FLORENCE.
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gnit qu’en se servant du mot propre, on ne la prit
pour une population de boxeurs. Les fêtes de mai
étaient splendides. Marchands et artisans se for¬
maient en compagnies; ils se revêtaient d’habits
uniformes, et chaque compagnie prenait un titre
différent. Les titres étaient celui d’Amour, de Bac¬
chus, de la Fortune, et d’autres semblables. Ces
compagnies parcouraient joyeusement la ville en
chantant et dansant au son des instruments et des
trompettes. On se faisait mutuellement des présents
d’habits, de mets, en s’invitant à diner et à souper.
Jean Villani rapporte qu’à la Saint-Jean-Baptiste de
l’année 1333, deux bandes d’artisans se formèrent,
l’une dans la rue Ghibellina, l’autre au cours des
Teinturiers. La première, de trois cents hommes,
était vêtue de jaune; la seconde, de cinq cents ,
était en blanc. Pendant un mois entier ces joyeux
compagnons allèrent ensemble deux à deux par
les rues avec celui qu’ils avaient élu le roi de la
fête, lequel portait majestueusement une cou¬
ronne, tandis que ses heureux sujets n’avaient
sur la tête que des festons de fleurs. Arrivés sur la
place, ils dansèrent au son des instruments et des
tambours, et chantèrent d’érotiques refrains. Cette
fête d’ouvriers montre quelle devait être alors
l’aisance de la population industrielle de Florence ;
les villes de fabriques les plus opulentes de France
et d’Angleterre, trop souvent en proie à l’émeute
ou à la faim, sont aujourd’hui bien loin d’offrir de
tels spectacles.
C’est à l’une de ces fêtes du mois de mai de 1304,
qu’eut lieu la catastrophe du pont alla Carraja.
Les Florentins avaient voulu se surpasser cette fois