121
SAINTE-CROIX.
illustre Arétin, si différent de l'infâme, est repré¬
senté couché sur son tombeau, couronné de lau¬
riers et tenant sur sa poitrine son Histoire latine
de Florence comme monument de son patriotisme.
C’est ainsi qu’il fut enseveli par décret de la sei¬
gneurie (1). Ce savant a le premier soutenu l’opi¬
nion reprise de nos jours que l'italien était aussi
ancien que le latin, qu'ils furent employés en
même temps à Rome, et que si le dernier était la
langue des lettrés et des orateurs, le premier fut
la langue populaire. Bruni l'Arétin avait été deux
fois et était mort chancelier de la république; lors
du concile de Florence; il avait en cette qualité
harangué dans leur langue l'empereur Paléologue
et le patriarche grec; s’il eût vécu davantage, il
devenait gonfalonier (2). Quand on voit les lettres
conduire à de tels honneurs, et la charge de chan¬
celier, la seconde de la république, confiée sans
interruption à des savants tels que Léonard Aré¬
(1) L’oraison funèbre fut prononcée par Gianozzo Manetti,
grand érudit de la renaissance, qui crut devoir y introduire,
au sujet de la couronne de Léonard, une longue digression de
cinq pages in-4°, d'un très-fin caractère, sur les huit espèces
de couronnes connues chez les anciens. Ce fut sans doule pour
détruire l'effet de ce malencontreux panégyrique que Philelphe,
le tendre ami de l’Arétin, publia une autre oraison funèbre,
discours noble, palhétique, bien composé, véritable contraste
avec celui de Gianozzo, qui avait si prodigieusement ennuyé
son docte auditbire.
(2) L’Arétin paraît avoir été aussi un agréable contenr. Asin
de dissiper la tristesse qu'avait inspirée dans une société de
Florence la lecture de la nouvelle de Ghismonde ; de Boccace,
il fit le récit de l'histoire de Stratonice et d'Antioellus; mise
avee habileté sur notre scène lyrique, et l’un des chefs-d’œuvre
de la musique française. (V. Novelle di vari autori, t. II, p. 86,
la Novella di messer Lionardo d’ Arezzo.)