VITRUVE. LIV. X.
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tre, on ne pourra point lever le fardeau, à moins que
suivant ce que nous avons dit plus haut, en allongeant
le manche, on ne ramène l'équilibre entre la résistance
du fardeau et la puissance qui doit le lever.
C'est une expérience qu'il est facile de faire avec les
balances qu’on appelle statères. L'anse est placée auprès
de l'extrémité à laquelle le bassin est suspendu; c'est là
qu’'est le centre du mouvement du fléau. De l'autre côté
se trouve le poids qui tient la machine en équilibre,
Plus, en le faisant glisser vers l'extrémité du fléau, vous
lui ferez franchir de ces points qui y sont marqués,
plus, malgré l'inégalité de sa pesanteur, vous lui don¬
nerez, de force pour faire équilibre avec les plus lourds
fardeaux, puisque sa puissance augmente à mesure qu'il
s'éloigne du centre. Ainsi, le poids si léger destiné à
établir l'équilibre, acquérant en un moment une force
proportionnée à son éloignement du centre, peut faire
monter doucement et sans peine un très-grand fardeau.
Cette même force, qui agit loin du centre, fait qu'un
pilote qui dirige la barre du gouvernail que les Grecs
appellent olag, vient à beut de faire tourner en un mo¬
ment, avec une seule main, les plus gros bâtiments de
transport, chargés, en marchandises et en provisions,
des fardeaux les plus lourds, les plus considérables.
C'est aussi par la même raison que, si les voiles ne sont
montées que jusqu’à la moitié du mât, un vaisseau ne
peut courir avec rapidité, tandis que si les antennes ont
été élevées jusqu'au haut, on le voit alors s'élancer avec
impétuosité; c'est que le vent agit avec moins de force
sur les voiles qui reçoivent son souffle aussi près du pied
du mât, que l'on considère comme le centre, que sur
celles qui lé reçoivent en haut à une plus grande distance.
Ainsi de même que le levier, quand on le prend par
le milieu, a beaucoup moins de force, et ne soulève
qu'avec peine le fardeau sous lequel il est placé, tandis