NOTES DU LIVRE I.
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arbitre en fait de goût et de proportions pour le grand art de
l'architecture! En vérité, il faut être bien ignorant en histoire, et
avoir bien peu de critique, pour croire toutes les absurdités que
nous débite Vitruve presque à chaque page de son livre.
Est-ce bien contre Vitruve qu'est lancée une critique aussi
amère, aussi injuste? Je ne puis le croire : car qu'il soit plutôt
ingénieur qu'architecte, qu'artiste, qu'il se perde si souvent dans
des petitesses de détails (t. 1er, p. 409), je ne vois pas là de quoi
être aussi complétement absurde qu’il est accusé de l'être.
Vitruve s'est encore trompé sur l'origine des cariatides! Elle
est fausse ! Pourquoi ? Est-ce parce que s'il y avait dans le Pélo¬
ponnèse deux villes du nom de Karya, l'une en Arcadie, l'autre
en Laconie, toutes deux étaient trop petites et trop impuissantes
pour penser qu'elles se fussent exposées aux chances d'une alliance
avec les Perses? Cette raison est loin d'être suffisante. Est ce
parce que Pausanias dit (liv. II1, ch. 10) : « Karya est un lieu
consacré à Diane et aux nymphes. On y voit une statue de Diane
Karyatis en plein air. Auprès de cette statue les jeunes filles de
Lacédémone se divisent annuellement en groupes pour danser,
comme on a l'habitude de le faire dans la campagne. » Il est
vrai que tout près de Lacédémone, dans un endroit appelé Carie,
on voyait un temple consacré à Diane Caryatis, en l’honneur
de laquelle les jeunes filles de Laconie s'assemblaient, au temps
de la récolte des noix (le mot xapoa signifie noix) , et célébraient
par des danses patriotiques une fête appelée Carya, c'est-à¬
dire la fête de Diane des noix, d'où leur fut donné le nom de
Cariatides. Mais ce n'était qu'un lieu consacré à Diane, un temple.
et non une ville, un Etat, civitas. Ce n'est donc point de cet en¬
droit qu’il est question. Qu’importe maintenant ce que disent
Pausanias (liv. 1, ch. 27) et Suidas, des deux jeunes vierges de¬
meurant auprès du temple de Minerve Polias, et nommées par
les Athéniens Canéphores, Kao, portant des paniers? puis¬
qu'il ne s'agit dans ce passage, ni de Carie, ni de Cariatides. Il
est vrai que M. Ramée ajoute : « Le temple de Minerve Polias est
le seul exemple d'un monument de l'antiquité où nous voyions
l'usage de cariatides au lieu de colonnes. » Cependant on lit
(t. fer, p. 244, de l'Histoire de t'architecture) qu'une rangée de huit
piliers cariatides se trouvait au péristyle du grand et magnifique
palais de Rhamsès IV Méiamoun, roi d'Egypte, le premier de la
dix-neuvième dynastie thébaine (1474-14 19 avant J.-C.). Et plus
loin (p. 249) nous voyons au village de Karnac, la ville des
monuments, où apparaît toute la magnificence pharaonique, un