VITRUVE. LIV. I.
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du niveau de la mer, elle me paraîtra raisonnablement
située : car les canaux qu'on peut y pratiquer, tout en
permettant l’écoulement des eaux vers le rivage, ne lais¬
sent pas, lorsque la mer est grossie par la tempête, de
livrer passage aux vagues que l'agitation des flots y pré¬
cipite; et ces eaux salées venant à se mêler à celles des
marais, empêchent de naître les animaux qui s'y pro¬
duisent, et ceux qui des parties supérieures descendent
en nageant tout auprès du rivage, y trouvent la mort
au milieu des matières salines contraires à leur nature.
Nous en avons un exemple dans les marais qui entou¬
rent Altinum, Ravenne et Aquilée, et dans d'autres
municipes de la Gaule, où le voisinage des marais n'em¬
pêche pas que l'air ne soit merveilleusement sain.
Mais quand les eaux des marais sont stagnantes, sans
avoir pour s'écouler ni rivièré ni canal, comme dans les
marais Pontins, elles croupissent par leur immobilité,
et exhalent des vapeurs morbifiques et contagieuses.
L’ancienne ville de Salapia, fondée dans -l'Apulie par
Diomède, à son retour de la guerre de Troie, ou, selon
quelques écrivains, par Elphias de Rhodes, avait été
bâtie dans un endroit de cette nature. Les habitants,
voyant qu'ils étaient chaque année frappés de mala¬
dies, se rendirent un jour auprès de M. Hostilius, et le
prièrent tous de leur chercher, de leur choisir un lieu
propre à recevoir leurs pénates. Il y consentit, et se mit
sur-le-champ à examiner avec intelligence et sagesse
un lieu près de la mer, qu'il acheta, après en avoir re-
connu la salubrité. Avec l'autorisation du sénat et du
peuple romain, il y jeta les fondements de la nouvelle
ville, y éleva des murailles, traça l'emplacement des
maisons et en donna la propriété aux habitants, en fai¬
sant payer à chacun d'eux un sesterce seulement. Il fit
ensuite communiquer avec la mer un lac voisin dont il
fit un port pour la ville, de sorte que les Salapiens ha¬