VITRUVE. LIV. I.
29
se réalise par l'acte donnant à la matière destinée à un
ouvrage quelconque, la forme que présente un dessin.
La théorie, au contraire, consiste à démontrer, à expli¬
quer la justesse, la convenance des proportions des ob¬
jets travaillés.
Aussi lés architectes qui, au mépris de la théorie, ne
se sont livrés qu'à la pratique, n'ont pu arriver à une
réputation proportionnée à leurs efforts. Quant à ceux
qui ont cru avoir assez du raisonnement et de la science
littéraire, c'est l'ombre et non la réalité qu'ils ont
poursuivie. Celui-là seul, qui, semblable au guerrier
armé de toutes pièces, sait joindre la théorie à la pra¬
tique, atteint son but avec autant de succès que de
promptitude.
En toute science, et principalement en architecture,
on distingue deux choses, celle qui est représentée, et
celle qui représente. La chose représentée est celle dont
on traite; la chose qui représente, c'est la démonstra¬
tion qu'on en donne, appuyée sur le raisonnement de la
science. La connaissance de l'une et de l'autre paraît
donc nécessaire à celui qui fait profession d'être archi¬
tecte. Chez lui, l'intelligence doit se trouver réunie au
travail : car l'esprit sans l'application, ou l'application
sans l'esprit, ne peut rendre un artiste parfait. Il faut
qu'il ait de la facilité pour la rédaction, de l'habileté
dans le dessin, des connaissances en géométrie; il doit
avoir quelque teinture de l'optique, posséder à fond
l'arithmétique, être versé dans l'histoire, s'être livré
avec attention à l'étude de la philosophie, connaître la
musique, n'être point étranger à la médecine, à la juris¬
prudence, être au courant de la science astronomique,
qui nous initie aux mouvements du ciel.
En voici les raisons. L'architecte doit connaître les
lettres, afin de pouvoir rédiger avec clarté ses mémoires.
La connaissance du dessin le met à même de tracer avec