VITRUVE.
LIVRE TROISIÉME.
INTRODUCTION.
APOLLON de Delphes déclara, par la bouche de sa py
thonisse, que Socrate était le plus sage des mortels. On
rapporte que ce philosophe disait, avec autant de rai¬
son que de justesse, qu'il eût fallu que les hommes
eussent une large ouverture à la poitrine, afin que leurs
pensées, loin d'y demeurer cachées, fussent, au contraire.
exposées à l'œil de l'observateur. Et plût aux dieux que,
d'accord avec lui, la nature eût donné le moyen de les
découvrir, de les apercevoir! S'il en eût été ainsi, non¬
seulement les bonnes ou les mauvaises qualités de l'âme
seraient touchées au doigt, mais encore la science et le
talent, soumis à l'investigation de l'œil, ne seraient point
exposés à l'incertitude des jugements des hommes, et
les leçons des savants auraient une autorité solide et du¬
rable. Mais puisque la nature a voulu qu'il en fût autre¬
ment, et qu'il ne nous a point été donné de pouvoir
penêtrer dans la poitrine des hommes pour juger du de¬
gré d'habileté et de savoir qui s'y trouve profondément
enfermé et caché, les hommes les plus habiles, malgré
l'assurance qu'ils donnent de leurs talents, s'ils ne sont
pas bien partagés du côté de la fortune, si l'ancienneté
de leurs ateliers ne les a point fait connaître, si même
ils ne sont point doués d'un certain attrait qui gagne la
faveur, d'une certaine facilité d'élocution qui charme,
237