LARCHITECTURE DE VITRUVE.
26
qui sont plus génériques et qui rendent mieux toute la signification du mot latin. Perrault lavoit aussi
traduit par le mot bienséance.
Toute l'architecture est fondée sur deux espèces de principes , dont les uns sont positifs et les
autres arbitraires. Les principes positifs, et desquels on n’a jamais pu s'écarter, sont ceux pour les¬
quels l'édifice est bâti; tels que son usage , son utilité, et ceux qui tiennent à son essence et a
la pécessité, tels que la solidité, la salubrité , et la commodité : une partie de ceux qui contri¬
buent à sa beauté et à l'agrément, telles que les proportions qui ont été prises sur celles du corps
humain, sont aussi positis. Quant aux autres qui forment aussi la beauté de l'architecture, ils sont
arbitraires, en grande partie, et ils l'étoient presque tous dans les premiers temps de l'architec
ture ; ils ne sont devenus stables et invariables que par la longue habitude que l'on a eue de tou¬
jours s'en servir et de voir les choses exécutées d'après eux ; cependant plusieurs choses sont restées
arbitraires dans l'architecture, comme d'orner de sculpture les différentes moulures, les frises, etc.
de creuser ou de ne pas creuser des cannelures dans les colonnes, le choix de différens ordres pour
les temples. Lorsque Vitruve dit, que la convenance exige que tout ce qui se voit dans un édi
fice ; y soit tellement correct qu'il ne s'y trouve rien qui ne soit fondé et approuvé par quelque
autorité : il entend que tout y soit exécuté d'après ces principes. Une partie des premiers sont tires
des lois de la nature ; c'est d’eux que dépend la solidité du bâtiment : c'est pourquoi ils sont inva¬
riables. Par exemple, il est nécessaire que les parties inférieures soient plus fortes que les parties
supérieures, puisqu'elles doivent porter tout le reste, aussi les fait-on plus massives, tels sont les
cubes solides des stylobates qui portent les colonnes, et le fût même de la colonne , qui s'élève
dans une proportion plus solide jusqu'au tiers de sa hauteur. Les deux autres sont atténués. L'art imite
en cola la nature, puisque les troncs des arbres s'élèvent à peu près dans cette proportion; ils sont plus
gros vers les racines , et diminuent vers le haut, où ils commencent à porter des branches. Comme
il existe trois manières de bâtir, savoir : la solide , la moyenne et la délicate, lesquelles sont par¬
faitement exprimées par les trois ordres grecs, lorsque dans un édifice on élève plusieurs ordres les
uns au-dessus des autres , comme au théâtre de Marcellus, ou au Colisée, le premier qui sert de
base à tout l'édifice, et qui doit porter tous les autres, doit être d'ordre dorique, comme le plus
solide de tous. Le second doit être ionique, parce que cet ordre tient le milieu entre la sévérité
du dorique et la délicatesse du corinthien qui, pour cette raison, doit être élevé au-dessus de tous.
C'est ainsi qu'ils sont distribués dans le Colisée.
Une autre partie de ces principes est tirée de l'usage pour lequel le bâtiment est destiné ; c'est
la raison et les lois de la nécessité qui les ont dictés. Par exemple : les toits doivent être en pente
pour l'écoulement des eaux ; et la corniche de l'entablement doit avoir une grande projection er
avant pour en garantir les galeries ou les murailles. Le plan d'un temple est autre que celui d'une
basilique, d'un théâtre, d'une habitation, parce que leurs usages sont différens. Ces divers bâtimens
se construisent sur des plans qui leur sont particuliers, conformes à leur destination et consacrés par
l'habitude ; l'architecte ne peut s'en écarter. Ces différentes formes qu'on donne à chaque espèce
d'édifices, n'ont pas été trouvées d'abord ; ce n'est qu'après une longue expérience que les anciens
ont connu ce qui étoit le mieux et l'ont approuvé. Il y a toujours la plus grande témérité de cher
cher à vouloir leur donner une nouvelle forme. Il en est de même pour l'entablement que Vitruve