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LIVRE IX, CHAP. IX.
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Quand on examine les différens cadrans solaires et horloges des anciens, il ne faut pas oublier
qu'ils étoient bien plus difficiles à faire que les nôtres, où les heures sont toujours égales : tandis
que chez eux, elles changeoient tous les jours, parce qu'ils partageoient le jour, c'est-àdire le
temps qu'il y a depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, et la nuit de même, en douze
heures égales : tellement que dans les cadrans solaires, la grandeur de l'ombre du gnomon, qui
croissoit pendant la moitié de l'année, et qui diminuoit pendant l'autre moitié, indiquoit la hau¬
teur du soleil chaque jour à midi, sur une ligne divisée en 182 degrés et demi, qu'on nommoit
méridiens. La proportion de la grandeur de cette ombre avec celle du gnomon, changeant à chaque
degré de latitude, il falloit s'en assurer par le moyen des analêmes, chaque fois qu'on vouloit
tracer un cadran solaire dans un autre climat.
J'ai vu deux méridiennes de ce genre , l'une à Bologne en Italie, et l'autre à Rome ; cette
dernière se trouve dans l'église de sainte Marie des Anges, qui étoit autrefois la grande salle des
thermes de Dioclétien ; elle est tracée en partie sur le pavé, et en partie sur les murs ; elle est
en marbre ; les douze signes sont exécutés en mosaïque ; c'est la plus belle et la plus ornée qu'on
ait faite. Ce fut le prélat François Bianchini qui fit choix de cet édifice, dont la solidité avoit été
éprouvée par une antiquité de plus de quatorze siècles, et qui, en 1701, y fit placer le gnomon
astronomique pour observer les mouvemens du soleil et de la lune. Ce n'est pas l'ombre quiy
marque la hauteur du soleil; mais un trou percé dans le mur, qui fait paroître un point lumineux
sur les divisions qui indiquent chaque jour de l'année.
Dans les différentes espèces de cadrans solaires que Vitruve nomme au commencement de ce
livre , il falloit que les heures y fussent marquées par des lignes tracées obliquement à droite et à
gauche de la méridienne. Les grandes ouvertures des angles, vers le haut, étoient pour les heures
du jour du solstice d'été, et les plus petites pour celles du jour du solstice d'hiver. L'ouverture
des angles, diminuant à proportion qu'elle s'approchoit du solstice d'hiver, indiquoit les heures pour
les autres jours de l'année sur les 182 divisions. Tellement qu'on pourroit dire que ce cadran en
contenoit 182 ;, et que chacun ne servoit que pour deux jours de l'année : voyez la fig. 2 de
la planche XXIV qui représente un de ces cadrans, ou du moins la manière dont on devoit les
tracer ; c'est pour en donner une idée au lecteur, car je ne puis assurer s'il ressemble à aucun
des cadrans solaires dont parle Vitruve. Pline, Liv. XXXVI Chap. 10, dit que l'empereur Auguste
fit servir l'obélisque égyptien qu'il avait fait placer au Champ de Mars , à marquer le midi et les
longueurs du jour et de la nuit, par son ombre , ayant mis au pied dudit obélisque une pierre
carrée dont l'étendue égaloit la hauteur de l'obélisque ; et on connoissoit les heures toute l'année
au moyen de règles de bronze incrustées dans ladite pierre. Il paroît que ce cadran devoit res¬
sembler à celui que je viens de décrire et que j'ai fait graver.
D'après leur manière d'arranger les heures , les anciens avoient deux espèces d'horloges :
l'une servoit pour le jour et l'autre pour la nuit. Leurs horloges de jour, comme nous venons
de le dire , étoient les cadrans solaires, faits de différente manière, pour la nuit, et pour les jours
où l'air est couvert de nuages; en un mot, pour les tems que le soleil ne paroît point, on employoit
les clepsydres qui alloient au moyen de l'eau comme l'indique leur nom, tiré du grec , dérober,
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