LARCHITECTURE DE VITRUVE.
I me semble donc qu'en cela Pythius sest trompé, il n'a pas réléchi que deus cho¬
ses, la pratique et la théorie, composent tous les arts. La pratique appartient proprement
à ceux qui font profession de quelqu'art en particulier, et la théorie appartient génera¬
lement à tous ceux qui cultivent les sciences. Qu'un médecin et un musicien parlent,
par exemple, l'un de la proportion des pulsations du pouls, et 'auire de celle des mou¬
vemens des pieds que font des pas de danse; cette théorie leur est commune à tous
deux. Néanmoins si un homme vient de se blesser, ou tombe dangereusement malade,
on n'appelle pas le musicien, mais le médecin qui doit le secourir. Si au, contraire,
on veut mettre d'accord quelqu instrument de musique, on n'appellera pas le médecin,
mais le musicien , qui parviendra à lui faire rendre des sons harmonieux qui char¬
meront les oreilles. Les astronomes et les musiciens peuvent également raisonner sur
la sympathie des étoiles, et sur les consonnances musicales, dont les unes se distin¬
guent par quadrats et par trines (1), et les autres par la quarte et la quinte; et avec
les géomètres de ce qui concerne la vue, c'est-à-dire, de cette science que les Grecs
appellent optique (2). Il en est de même du reste des sciences ; leurs diverses théo¬
ries servent à toutes, ou du moins à la plupart. Mais s'il s'agit de la pratique qu'on
n'acquiert que par le travail et une longue habitude, il faut que chacun traite de celle
dans laquelle il s'est particulièrement exercé. De sorte qu'il est censé qu'un architecte
en sait assez, quand il est médiocrement instruit dans les arts qui dépendent de l'ar¬
chitecture, quand il peut en juger et les examiner au besoin, et n'avoir pas la honte
de demeurer court. S'il se rencontre par hasard des personnes dont l'esprit et la me¬
moire ont assez d'étendue pour posséder parfaitement la géométrie, l'astronomie, la
musique et les autres sciences; cette capacité doit être considérée comme quelque chose
au delà de ce qui est nécessaire à l'architecte. Ce sont alors des mathématiciens qui
peuvent traiter à fond de toutes les sciences; mais ces génies sont fort rares; il s'en
trouve peu, tels qu'ont été Aristarque à Samos, Philolaus et Architas à Tarente , Apo¬
lonius à Perge, Eratosthènc à Cyrène, Archimède et Scopinas à Syracusé. Avec le se
cours du calcul et la connoissance qu'ils avoient des secrets de la nature, ils ont fait
les plus belles découvertes dans les mécaniques et dans la gnomonique, et les ont trans-
mises à la postérité,
Mais puisque la nature avare produit rarement de ces génies extraordinaires, et qu'il
faut cependant que l'architecte possède, autant qu'il est possible, ces diverses connois-
sances; (car il seroit déraisonnable d'exiger qu'il les possédât toutes parfaitement), je vous
(1) On appelle quadrat aspect, la situation de deux 9o degrés font le quart du méridien et 120 le tiers;
astres éloignés l'un de l'autre de 9o degrés, et le trine voyez les remarques à la fin de ce chapitre.
aspect lorsqu'ils sont éloignés de 120 degrés, parce que (2) Ce mot est tiré du verbe i, je vois.
supplie