JATLIVRE I, CHAP. I.
solaires, par la connoissance qu'elle lui donne des quatre points cardinaux, de l'état
du ciel, des équinoxes, des solstices et de tout le cours des astres.
Puisque l'architecture demande donc une aussi grande érudition et le concours de tant
d'autres sciences, je ne crois pas que personne puisse tout-à-coup se donner pour ar-
chitecte. Cette qualité n'appartient qu'à celui qui, dès son enfance, a conmencé à mon-
ter par tous les degrés qui conduisent au faîte du temple de l'architecture. Les igno-
rans seront peut-être étonnés, et ne pourront croire que la mémoire et l'intelligence
humaines soient susceptibles d'autant de lumières; mais on verra bientôt combien ils
sont dans l'erreur si l'on rélléchit que toutes les sciences étant liées, et communiquant
les unes avec les autres, tes connoissances humaines sont comme un corps composé
de divers membres; ceux qui, dès leur tendre jeunesse, ont consacré leurs momens à
l'étude des belles-lettres, en sont convaincus. Ils sont persuadés aussi que la connexion
qui se trouve entre elles, en facilite beaucoup l'étude. Ce qui fait dire à Pythius (1), cet
ancien architecte qui s'est rendu célèbre par la construction du temple de Minerve, dans
la ville de Priène que l'architecte réussira mieux dans ces différentes sciences, que ceux
qui, par les efforts de leur génie, et leur industrie, ont excellé dans quelques-unes en
particulier. Cependant cela n'est pas exact. En effet , il n'est pas possible, ni même
nécessaire, qu'il possède la grammaire comme Aristarque, la musique comme Aris
toxène (2); qu'il soit aussi bon peintre qu'Apelle, aussi bon sculpteur que Miron ou
Policlète, enfin aussi savant en médecine qu'Hippocrate; il suffit qu'il ait quelques con
naissances de la grammaire, de la musique, de la peinture, de la sculpture, et de
la médecine; l'esprit de l'homme n'est pas capable d'atteindre la perfection dans au
tant de sciences, dont les élémens exigent déjà beaucoup d'étude. Ce n'est pas aux
architectes seuls auxquels il est refusé d'atteindre la perfection, puisque ceux même qui
sadonnent à quelqu'art en particulier, qui s'efforcent d'en vaincre toutes les diffcultés
pour sy rendre profonds et renommés, ne réussissent pas toujours. Que dis-je! parmi
tous ceux qui cultivent une même science, et en font leur unique étude, il n'est donné
qu'à un petit nombre, et dans l'espace d'un siècle, d'y devenir célèbres; comment
voudroit-on que l'architecte qui doit posséder tant de connoissances, non seulement
n'en ignore aucune, ce qui est déjà beaucoup exiger, mais qu'il excelle dans toutes,
tandis que les forces et l'intelligence humaines sufisent à peine pour en approfondir
une seule?
(1) Vitruve le nomme Phileos dans l'introduction du
sur l'harmonie ; c'est dans ces livres que Vitruve a puisé
VII.e Liv. Il parle aussi d’un architecte nommé Pytheus,
ce qu'il a écrit sur la musique dans les 4e et 5° Ch. du
Liv. IV, Ch. 3.
Liv. V, comme il nous l'apprend lui-même.
(2) Aristoxène, disciple d'Aristote, a écrit trois livres