L'ARCHITECTURE DE VITRUVE.
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un pavé du plus beau noir. Il offre l'avantage que tout ce qu'on répand dessus, soit
en renversant les verres, soit quand on crache, sêche aussitôt; ensuite ceux qui ser-
vent à table peuvent marcher dessus, les pieds nuds, sans être incommodés par
le froid.
REMARQUES.
Nous venons de voir les moyens employés par les anciens, pour empêcher que l'humidité ne
nuise dans l'intérieur des édifices.
L'auteur appelle endroits humides , humidis locis, ceux qui sont construits en tout ou en partie
sous la terre, qui occasionne toujours une grande humidité sur les murailles qui la soutiennent: ce
qui arrive dans les caves , et hors des caves dans les édifices construits sur la pente des monta-
gnes, contre un terrain plus élevé. Dans l'Italie, qui est traversée du nord au midi par l'Apen-
nin, et sur-tout dans l'ancienne Rome, dont la plus grande partie étoit sur les sept collines, on
éprouvoit souvent cet inconvénient. Pour se garantir de l'humidité, l'auteur nous apprend qu'on
employoit, lorsqu'il étoit possible, des doubles murs. C'est ce que nous voyons dans les cent
voûtes , cento camere, qui servoient de logement à la garde prétorienne, et qui existent encore
dans les ruines de la Villa de l'empereur Adrien près de Tivoli. Les murs de ces chambres qui de¬
voient être fort humides, s’ils étoient simples , à cause qu'ils soutiennent une terrasse, au-dessus
de laquelle on croit qu'étoit imité le pecile d'Athènes, sont encore si secs aujourd'hui, que le foin
s'y conserve pendant plusieurs années.
L'intérieur de ces murs est fait avec tant de soin, et leur pavement est si poli, qu'il est facile
de s'apercevoir, qu'on a cherché à empêcher, autant qu'il étoit possible, que l'humidité ne pût
s'y attacher. Cette maçonnerie sert à nous expliquer ce que nous en dit Vitruve dans ce chapitre.
Perrault s'est représenté , sous ces doubles murs , Dieu sait quel ouvrage, avec plusieurs canaux
ou égouts.
Par les expressions que l'auteur emploie dans ce chapitre, nous voyons que les maisons des an¬
ciens avoient plusieurs étages, puisqu'il distingue les appartemens du rez-de-chaussée, qua planc
fuerint. Galiani croit cependant que les maisons des personnes riches, de même que les palais
n’avoient que le rez-de-chaussée sans étage par dessus ; parce que, dit-il dans le Liv. VI, Vitruve
ne parle jamais ni des escaliers ni du plan des appartemens d'en haut, non plus que Pline dans
la description qu'il nous a laissée de ses maisons de campagne. Il a raison pour ces dernières; mais
quant à la Villa Adrienne, il paroît visiblement qu’il y a eu des appartemens les uns au-dessus des
autres , ainsi qu’on le voit aussi aux bains d'’Antonin et de Dioclétien, tels qu'ils étoient encore il
y deux cents ans. Quelques parties de ces édifices surprenans avoient jusqu’à trois galeries ou corri¬
dors d’appartemens l’un au-dessus de l'autre, comme on le voit dans les plans des thermes de Dio¬
clétien que le cardinal de Granvelle a fait graver par le célèbre Kock, d'Alost, en 1558; ils repré-
sentent ces thermes dans l’état où ils étoient avant que le pape Pie IV en eût converti la plus grande
partie en une église, qu'on nomme aujourd'hui Sainte Marie des Anges.