LARCHITECTURE DE VITRUVE.
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est pas de même pour les piédestaux recoupés ; l'interruption empêche que cette cavité puisse res¬
sembler à un canal. Le Colisée à Rome nous en offre un bel exemple ; toutes les colonnes ont
leurs piédestaux qui font saillies , et l’entablement est tout d’une venue, sans aucune interruption,
Il est assez étonnant qu’aucuns de ceux qui ont écrit sur ce passage , après avoir vu le Colisée
n’en aient pas fait la remarque. On voit encore la même chose au mausolée de Plautia, entre Rome
et Tivoli, près du pont Lucano ; les piédestaux de six colonnes qui ornoient le frontispice, for¬
moient autant de saillies ; mais la plus grande partie de l'entablement est totalement ruinée.
Ce qui rend plus difficile l'interprétation de ce passage, c'est qu'on en trouve plus loin un autre
dans le même chapitre, où il est dit qu'il faut que le chapiteau soit posé de manière qu'il réponde
aux saillies faites au stylobate et aux parties supérieures de l'entablement. Uti quæe adjectio in sty¬
lobatis, facta fuerit in superioribus membris respondeat symmetria epistyliorum. Ce passage n'a
jamais été bien compris ; j'ai essayé une interprétation nouvelle , je ne sais si j'ai bien réussi ; elle
me paroît la plus naturelle, et n'offre plus de difficultés, comme on le verra ci-après.
Malgré l'autorité de Vitruve , le père Laugier qui voudroit ramener l'architecture à la pureté de
ses premiers principes , tous tirés de la nature, telle qu'elle étoit dans les siècles de Périclés et
dans celui d’Alexandre , condamne les piédestaux : (1) « c'est un grand défaut, dit - il , « de
» guinder les colonnes sur des piédestaux, au lieu de les faire porter immédiatement sur le pavé.
» Les colonnes, continue-t-il, étant, si je puis parler ainsi, les jambes de l'édifice, il est absurde
» de leur donner à elles-mêmes d’autres jambes. Les piédestaux dont je parle, n'ont été imaginés
» que par misère. Quand on a eu des colonnes trop courtes, on a pris le parti de les monter
» sur des échasses, pour suppléer à leur défaut d'élévation. En un mot, les piédestaux ne sont
» bons que pour porter une statue, et c'est manquer essentiellement de goût que de les destinet
» à un autre usage ».
Après avoir parlé des piédestaux, Vitruve parle, comme il est dans l'ordre, des bases des colon-
nes, et fait la description des deux espèces employées dans l'ordre ionique; la première est la base
attique ou atticurge, ainsi nommée parce qu'elle fut inventée à Athènes : c'est pour la même raison
sans doute , que dans le sixième chapitre du quatrième livre , il appelle porte attique, celle qui
est propre à l'ordre corinthien. L’autre est la base ionique, qui appartient proprement à cet ordre
dont elle porte le nom ; néanmoins, dans les édifices anciens comme dans les modernes, on n'em-
ploie guère dans cet ordre que la base attique. Celle-ci réunit de si belles proportions, qu'il n'est
pas étonnant qu'elle ait fait entièrement oublier l'autre. Galiani observe que les proportions de cette
base sont toutes harmoniques d'après les principes qu'il a indiqués, comme nous, dans les remar-
ques sur le 1.er Chap. du I.e Liv.
Il promet de démontrer la chose dans un autre ouvrage si toutefois il n'est pas prévenu par un
autre. Comme j'ignore s'il a tenu parole, je vais essayer de faire voir comment la base attique est
faite d'après les principes harmoniques, pour donner quelque idée au lecteur des rapports qui se
trouvent entre l'architecture et la musique.
(1) Essais sur l'architecture, Chap. 1. art. 1.
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