LIVRE III, CHAP. I.
99.
REMARQUES.
CE chapitre et ceux qui suivent jusqu’au septième livre, sont les plus importans pour l'architecture,
huisqu'ils contiennent les régles d'après lesquelles on doit proportionner les divers édifices d'ou
dépend surtout leur beauté. Car la proportion seule ne fait pas le beau ; mais sans elle il n'y a
point de beau. Ce livre et le suivant étoient bien plus importans encore pour les anciens; puisqu'ils
traitent de la consiruction des temples; objet auquel l'architecture doit son origine, et pour lequel
ils déployérent toute sa magnificence.
Nous avons déjà vu que les proportions de l'architecture ont été prises sur celles du corps humain,
le chef-d'œeuvre de la nature. Ses parfaites proportions le rendant le plus beau de tous les êtres, les
anciens le choisirent pour régler celles des édifices. Ainsi il faut, comme dans un homme bien fait,
que chaque partie d'un bâtiment soit bien proportionnée, qu'elle le soit avec le tout, et avec les
autres parties. C'est pourquoi Vitruve rapporte les proportions de quelques- uns de nos membres,
pour faire voir comme on à pris celles des édifices. Ceux qui voudront les connoître entièrement
et dans le plus grand détail , doivent consulter le traité d'Albert Durer sur la symétrie du corps
humain.
Il est bon d'observer, cependant, que les proportions que Vitruve assigne aux différentes partie
de notre corps, ne sont pas toutes exactes : par exemple il dit, que la partie qui se trouve depuis
le haut de la poitrine jusqu'à la naissance des cheveuz, fait la sixième partie de la hauteur de
l'homme; tandis qu'elle en fait quelquefois la sixième et demie. Il ajoute que cette même partie,
jusqu'au sommet de la tête, fait la quatrième partie de la hauteur de l'homme, ce qui fait dire
avec raison, à Philander, qu'il y a ici une faute dans les manuscrits, et qu'au lieu de lire une
quatrième partie, il faut lire une cinquième partie et quelque chose en sus, autrement il s'ensuivroit
que l'espace, qui est depuis la racine des cheveux jusqu'au sommet de la tête, seroit presqu'aussi
grand que-tout le visage. La proportion du pied est encore mal établie ; puisqu'il lui donne une
longueur égale à la sixième partie de toute la hauteur de l'homme, tandis que dans un corps bien
fait, dont la tête est la huitième partie de tout le corps, le pied n'a que la septème partie. La
longueur qu'il donne à la poitrine est aussi disproportionnée.
Catane, qui a écrit un ouvage italien sur l'architecture, saisit très-mal le sens de ce passage
où Vitruve fait voir comme on a réglé les proportions des édifices sur celles du corps humain,
et comme la figure d'un homme ayant les bras étendus peut se placer dans un carré. Il donne à
ce passage l'interprétation la plus ridicule, puisqu'il prétend que le plus beau plan pour un édifice
est celui qui ressemble à un homme étendu par terre ayant les bras en croix ; aussi, c'est, dit-il,
celui de presque toutes les cathédrales (1). Jean Zhan (2), avec le secours de quelques figures,
nous a fait voir comme on pouvoit dessiner la figure d'un homme dans un cercle, dans un carré,
dans un pentagone, dans un triangle équilatéral. Celui qui a quelque teinture de géométrie
(2) Specula phisico-mathematico historia de J. Zhan.
(1) Cataneo arehit. liv. III, ch. 1.