L'ARCHITECTURE DE VITRUVE.
leur que celles d'Albe; la plus grande partie se taille sur les bords du lac de Bolsène
et dans la préfecture de Statonie. Elles ont plusieurs qualités; comme de résister à
la gelée et au feu, parce qu'elles contiennent peu d'air et de feu, beaucoup de terre
et médiocrement d'eau ; ainsi leur nature compacte fait qu'elles résistent aux injures
du temps, comme on en voit la preuve dans les anciens monumens, qui existent
encore auprès de la ville de Ferentino, faite avec cette pierre: car on y voit de grandes
statues qui sont très-belles, d'autres plus petites et plusieurs ornemens très délicats
qui représentent des roses et des feuilles d'acanthe; ces ouvrages, malgré leur vieil
lesse, n'ont encore rien souffert, et paroissent encore être nouveaux. Ces pierres sont
encore très-utiles pour les fondeurs en bronze, qui les trouvent fort bonnes pour
faire leurs moules de sorte que si ces carrières étoient plus près de Rome, on n'em-
ployeroit pas d'autres pierres pour tous les ouvrages qu'on y fait.
Mais puisque les carrières de pierres rouges et celles de Palliennes sont fort près
de la ville, et qu'il est aisé de s'en procurer des pierres, on préfère les employer
en prenant néanmoins certaines précautions, pour empêcher qu'elles ne se gâtent
les principales sont de les tirer plutôt pendant l'été que dans l'hiver; de les exposer
à l'air dans un lieu découvert, deux ans avant de s'en servir, afin de jeter dans les
fondemens celles que le mauvais temps aura endommagées; celles qui résistent à
cette épreuve, la nature elle-même prouvant leur bonté, on les emploie à la maçon-
nerie faite hors de terre. On suit cette méthode tant à l'égard du moellon que des
pierres de taille.
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REMARQUES.
LEs premières pierres dont on se servit pour les édifices publics, tant dans la Grèce qu'à Rome,
étoient une espèce de tuf ; le temple de Jupiter à Elis en étoit bâti. Un temple de Girgenti en
Sicile, le temple et l'édifice de Pestum, sur le bord du golfe de Salerne, ainsi que les murs
carrés de cette même ville , étoient tous construits avec de pareilles pierres. Cette concrétion
pierreuse est de deux espèces : la première se forme d'une humidité lapidifique; elle est blanchâtre
et verdâtre , d'une nature spongieuse , et par cette raison plus légère que les autres espèces de
pierres, et que le marbre ; cette pierre est connue sous le nom de Travertin, et se trouve près
de Tivoli. La seconde espèce est une terre pétrifiée ; elle est quelquefois d'un noir grisâtre et
quelquefois rosacée : on l'appelle en Italie ; tufo, et en France, tuf. Vitruve lui donne le nom
de pierre rouge, qu'on trouve aux environs de Rome ; c'est ce que Perrault a ignoré.
L'une de ces espèces est enlevée du roc, au-dessus de la terre ; l'autre se tire du sein de la
terre même. Celle-ci se trouve généralement dans les endroits où il y a des sources sulfureuses,
telles que celles de Tivoli et de Pestum ; c'est près de cette ville que le ruisseau sulfureux dont
parle Strabon se jette dans la mer.