DE VITRVVE.
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Puis donc qu'il est ainsi qu vne telle diuersité de choses est di¬
stribuee par la Nature, & que le corps humain est terrestre en au¬
cunes parties, mesmes qu'il a en soy plusieurs differences d hu¬
meurs, comme de sang, laict, sueur, vr ine, & larmes, s il se void en
portion tant petite vne si grande contrariete de saueurs, ce n'est
pas de merueille si en vne tant excessi ue spaciositem de terre, il se
treuue innumerables varietes de substances, par les veines des¬
quelles la force de l'eau courante en est tachee auant qu'elle par¬
uienne aux sources de ses fontaines.
Veritablement de cela, & pour amour de la difference des
lieux, ensemble des qualités des regions, & des vertus dissembla
bles des terres, il s'en fait plusieurs fontaines variantes & contrai¬
res en leurs propres especes, & de celles la j'en ay moymesme veu
quelsques vnes en voyageant, mais le reste ie l'ay trouué parmy
les liures de ces auteurs Grecs, à sçauoir Theophraste, Timee,
Possidone, Hengésie, Herodote, Aristide, & Metrodore, lesquels par
leurs escrits, composes auee extreme soing & estude infini, ont
declaré les proprietés des lieux, les vertus des eaux infuses par
les mouuements du Ciel, & les qualités des regions distinguees
ainsi comme dit est choses que j'ay suyuies & reeitees en ce mien
liure autant qu'il ma semblé necessaire pour exprimer les effects
diuers de cestę liqueur, à fin que par mes traditions tous hommes
puissent plus facilement essire les sources commodes à leurs ysa¬
ges, & les conduire dedans leurs cités, bourgades, ou demeures.
car entre toutes les choses de ce monde il n'y en a point qui se
ble estre plus necessaire à la vie, que ladite eau: & qu'il soit vray,
encores que la nature de tous humains fust priuee de l'ysage du
froment, des fruicts prouenans des arbustes, de chair, de poisson,
& autres telles substances nutritiues, si pourroit. elle se conseruer
en vie: mais sas eau, il n'y a corps d'animal quel qu'il soit, qui peust
viure: ny aucune espece de mangeaille naistre en la terre pour
nostre nourriture: mesmes quand il en prouiendroit, le moyen se¬
roit osté de l'appareiller.
Aceste cause il est requis de chercher auec curieuse diligence
& industrie, des fontaines qui soyent salutaires pour la vie & en¬
tretenement des hommes. Les espreuues donques de leur bonté
ou mauuaistie se feront en ceste sorte.
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