LIVRE V. DE LA DE’CORATION. que le
preſcrit Vignole pour l’Ordre dont il ſera queſtion: ainſi il
ſera aiſé de régler toutes les parties de chaque Ordonnance.
Lorſque les Pilaſtres ſervent d’arriere-corps à des Colomnesiſo-
lées, il faut
prendre garde que ces Pilaſtres ſoient aſſés éloignés
des Colomnes, pour empêcher que
les Chapiteaux ne ſe confon-
dent comme au Portail de la Sorbonne.
Quand on veut décorer un Edifice, & qu’on a des raiſons pour
lui donner un air deſolidité, il faut faire le premier
étage d’un goût
ruſtique, ſur lequel on pourra élever un Ordre de Colomnes ou de
Pilaſtres, (car j’entens ici par premier étage celui du rez-de-Chauſ-
ſée,)
ſurquoi il eſt à remarquer qu’on peut faire le ſecond étage plus
élevé que le
premier, parce qu’alors le premier n’eſt regardé que
comme le ſoûbaſſement du ſecond: mais, s’il s’agiſſoit d’un corps de
logis qu’on voulût faire plus élevé que les
aîles qui doivent l’accom-
pagner, alors il ne faut pas que l’Ordre du rez-de-Chauſſée
ſoit
plus élevé que celui des ailes; mais il doit par-tout regner égale-
ment, & ce ſera par le moyen d’un ſecond Ordre qu’on donnera
au corps de logis du
commandement ſur les aîles.
Quand il y a des Appartemens qui tirent du jour ſous des Portiques
par des Croiſées
qui ont un appuy, alors les Pilaſtres doivent avoir
des Piédeſtaux de la hauteur même
des appuis, ou pour mieux dire
les Piédeſtaux doivent être continués & ſervir d’appuis aux Croiſées; mais ſi ces Croiſées n’avoient point d’appuis, & qu’elles deſcendiſ-
ſent juſqu’au niveau du Parquet des Appartemens, alors il
vaudroit
beaucoup mieux ne point donner de Piédeſtaux aux Pilaſtres.
On doit auſſi remarquer, que des Colomnes de differentes gran-
deurs ne doivent
jamais ſe rencontrer à côté l’une de l’autre, ne
pouvant faire que des diſpoſitions
très-déſagréables: de même quand
on veut ajoûter quelques piéces à un Bâtiment déja fait, il faut
bien ſe garder de le faire d’un autre Ordre; au contraire, il faut que
la piéce ajoûtée paroiſſe avoir été ordonnée par le même
Architecte
qui a conduit le reſte du Bâtiment, & pour tout dire enfin, il faut
que les parties ſe rapportent au tout autant qu’il eſt
poſſible. C’eſt
ce qui ne ſe rencontre pas bien exactement au Palais des Thuille-
ries du
côté du Jardin: la Façade, toute magnifique qu’elle paroiſſe,
eſt remplie de défauts inſuportables,
parce qu’elle n’eſt compoſée
que de piéces ajoûtées, dont le tout ne réüſſit pas des
mieux; au
lieu que ce qui avoit été fait anciennement étoit un morceau ache-
vé dans
ſon eſpece, avant qu’on l’eût accompagné de ce qui devoit
contribuer au deſſein
general du Louvre.
Pour dire auſſi quelque choſe de l’Ordre Attique, qui eſt un pe-