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CHAPITRE SEPTIE’ME.
Des Corps de Gardes en general, des Guerites & Latrines.
INdépendamment des Corps de Gardes dont nous avons par-
lé pour veiller à la ſûreté
des Portes, il s’en fait encore d’autres
dedans & dehors les Places: par exemple, quand les Portes ſont
trop éloignées les unes des autres pour que les
Corps de Gardes qui
y ſont puiſſent poſter des Sentinelles à tous les endroits du
Rem-
part où l’on juge à propos d’en poſer, l’on en conſtruit d’autres
pour
être à portée de faire les rondes & de veiller à ce qui ſe paſſe; ſi la Ville eſt traverſée par quelque Riviere, & qu’il y ait par con-
ſequent des Portes d’eau, l’on ne manque pas d’y en faire un. En
un mot à tous les endroits où l’on a quelque raiſon d’y en établir,
tel
eſt celui de la place d’Armes & des autres répandus dans les
grandes Villes pour maintenir le bon ordre & poſer des Sentinelles
aux Portes de ceux qui ont droit d’en avoir. Or comme ces Corps
de Gardes ne comprennent rien de particulier dans leur
conſtruc-
tion, je ne m’arrêteray point à en raporter d’autres que celui qui
eſt ſur la planche 15. qui pourra ſervir de modéle en y faiſant les
changemens
que l’on croira neceſſaires, j’ajoûterai ſeulement, qu’en
conſtruiſant ceux des
remparts, on fera bien d’y menager de petits
entrepots pour renfermer des
munitions, afin de les avoir à portée
d’être diſtribuées aux détachemens qui
ſortent de la place, pour
des eſcortes ou pour quelque expedition, & n’être point dans la
peine d’ouvrir les magaſins, ſouvent pour peu de choſe: ces en-
trepots ſont fort commodes en tems de ſiége, pour le ſervice du
rempart & celui des dehors; il eſt vrai que dans la plûpart des
grandes Villes, où l’enceinte eſt accompagnée
de tours ou reduits,
on y rencontre des endroits propres pour des entrepots, mais
je ſupoſe une place neuve où l’on ſeroit privé de ces ſortes de
com-
modités.
Je crois que l’on peut auſſi comprendre, ſous le nom de corps
de garde, les
redoutes de maçonnerie qui ſe font dans les dehors
des places, aux endroits où il
eſt de conſequence d’avoir des poſtes
pour garder une Ecluſe, un Batardeau, un
Pont, & c. puiſque ces
redoutes ne ſont à le bien prendre que des corps de gardes
rétran-
chés: quand elles ſont près de la place, on en releve la garde tous
LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. les jours
par de nouvelles troupes; mais quand elles en ſont fort
éloignées, on y établit une petite garniſon, & alors il faut qu’elles
ſoient compoſées de pluſieurs étages, pour y diſtribuer les
logemens
neceſſaires aux Officiers & aux Soldats: & ne pouvant être que fort
ſerrés dans un auſſi petit endroit, il faut faire
enſorte, en les conſtrui-
ſant, de ménager ſi bien la grandeur des piéces, qu’on y
puiſſe avoir
les commodités eſſentielles; par exemple, ſi on peut faire un étage
ſouterrain, il faudra y pratiquer un
magaſin à poudre, un autre
pour les vivres, une cave, & une citerne qui recevra les eaux de
pluye, qui tomberont ſur la plate forme, ou
ſur le toit, par le
moyen des goutieres: enſuite au-deſſus de l’étage ſouterrain, on
en pourra faire deux ou trois autres
pour loger les troupes, de la ma-
niere qu’on les voit repreſentés ſur la Planche
23, qui comprend les
plans de
deux redoutes differentes; les premier ſecond & quatriéme
deſſeins ſont des étages dont la troiſiéme figure repreſente le profil,
les cinquiéme ſixiéme & ſeptiéme ſont ſupoſés apartenir à une autre
redoute qui ſeroit à machicoulis,
c’eſt-à-dire, qui ſeroit faite de fa-
çon, que le dernier étage faiſant ſaillie en
dehors ſur les deux autres
inferieurs, puiſſe voir le pied du revêtement de la
redoute, pour
en deffendre l’accès: je n’en ai point raporté le profil, parce qu’il
ne reſtoit pas de place ſur la
Planche pour l’y tracer, mais on ju-
gera ſans peine dequoi il eſt queſtion; ces redoutes ſont preſque
toûjours entourées d’un rempart, qui a ſon foſſé comme
on l’a ſu-
poſé ici, pour éviter les deſſeins qu’il auroit fallu encore raporter,
ſi on avoit voulu détailler quelque choſe de plus que le corps de
la
redoute.
Les Guerites, qui ſe font ſur le rempart, ſont ordinairement pla-
cées aux
angles des Baſtions, demi-Lune, & autres ouvrages deta-
chés, elles doivent être de plain pied au rempart, & quand elles
ſont de maçonnerie, elles peuvent être rondes, pentagonalles, ou
exagonalles, leur diamétre doit être en dedans, d’environ quatre
pieds, & leur hauteur de ſix à la naiſſance de la calotte; il faut
qu’elles ſoient percées de quatre ou cinq petites fenetres ouvertes,
de maniere que la ſentinelle puiſſe aiſément découvrir le fond du
foſſé, le
chemin couvert, & les autres dehors: les trois premieres
figures de Guerites pourront ſervir de modelles, ſelon qu’on
les vou-
dra plus ou moins orner; les trois autres deſſeins ſont des Guerites
de charpente, pour faire aux angles
des ouvrages qui ne ſont point
revêtus, l’on y voit l’aſſemblage des pieces qui les
compoſent,
ſelon l’ouverture des angles droits, obtus, ou aigus: quant aux
autres Guerites que l’on place indifferemment, on les fait toûjours
LA SCIENCE DES INGENIEURS, de figure quarrée,
comme aux 7
e
. & 8
e
. deſſeins, qui s’expliquent
aſſés d’eux mêmes.
L’on fait quelquefois des Latrines de charpente ſur le rempart,
aumilieu des
courtines, quand il n’y a point de poternes au-deſſous,
parce que s’il s’y en
trouvoit, il faudroit prendre garde de ne point
en falir la ſortie, ainſi ſupoſant
que le corps de la place ſoit revê-
tu, il faut
commencer par poſer au niveau du terre-plain du rem-
part, des poutrelles à deux
pieds & demi l’une de l’autre, qui ayent
environ 20 pieds de long, ſur 10 à 12 pouces; ces poutrelles doi-
vent ſaillir de 4 pieds au delà du talud du revêtement, ainſi
leur
longueur étant de 20 pieds, & le revétement en ayant 6 de talud,
la moitié portera ſur le rempart, & l’autre moitié ſera en ſaillie,
afin de faire les Latrines de maniere, que les
ordures ne tombent
point ſur la muraille: pour les maintenir on y attachera avec des
liens de fer, des poteaux pendans, qui
ſeront retenus entre la mu-
raille & les terres du rempart; & pour rendre le plancher plus ſo-
lide, on peut, au-deſſous du cordon, encaſtrer
dans la muraille
d’autres poteaux pendants ſous chaque poutrelle, afin de ſoûtenir
le poids des Latrines, ou bien on pourra, en conſtruiſant le revê-
tement,
placer au-deſſous des endroits où on doi@ poſer les pou-
trelles des Corbeaux ou
Conſoles de pierre de taille, pour apuyer les
liens, ce qui rendra l’ouvrage plus
ſolide: quant à l’aſſemblage du
reſte de la charpente, il n’eſt pas beſoin de l’expliquer
puiſque les
plans & profils qui ſont ſur la 33 Planche, en facilitent aſlés l’in-
telligence: d’ailleurs, ce ſujet n’eſt pas ſi intereſſant pour mériter
une plus longue
explication; je l’aurois même ſuprimée, ſi, dans un
ouvrage comme celui-ci, il ne falloit
parler de tout.
85.119.1.
Voyez les
Latrines
qui ſont ſur
la Planche
33.
Quand il ſe rencontre, dans le voiſinage des Cazernes, une rivie-
re ou un
ruiſſeau, il vaut beaucoup mieux en profiter pour y faire
des Latrines, que de les
placer ſur le rempart, puiſque, tout bien
conſideré, elles preſentent un coup d’œil
fort deſagreable; mais
quand on n’a point cette commodité, je voudrois qu’on les fit ſous
le
terre-plain du rempart, ou ſous les eſcaliers par leſquels on y
monte: en ce cas, il faut que l’égout, où ſe raſſemblent les eaux des
ruës, reçoive les
ordures pour les conduire dans le foſſé.