Full text: Belidor, Bernard Forest: La science des ingenieurs dans la conduite des travaux de fortification et d' architecture civile

85.89. CHAPITRE DOUZIE’ME.
De la maniere de conſtruire les Ouvrages de Terraſſes.

AMeſure que l’on éleve le revêtement d’un ouvrage, l’on fait
le remblais des terres pour former le rempart. On commence
par égaliſer le fond du terrain qui répond à la derniere retraite du
côté de la place, en lui donnant une pente d’environ trois pouces
par toiſe du devant au derriere, afin de ſoulager le revêtement; car
nous ſupoſons que cet eſpace eſt bien deblayé, & n’eſt pas occupé
par les terres qu’on a tirées du foſſé pour former les remparts, c’eſt
ce qui nous a fait dire dans le 8 e . Chapitre qu’il falloit les porter
à 8 ou 10 toiſes au-delà de l’allignement interieur de la muraille,
afin qu’on ne ſoit pas obligé de les rejetter plus loin, mais placées
de façon que les travailleurs, les ayant ſous la main pour faire les
remblais, l’on poſe un lit de faſcinage, dont le gros bout eſt du côté
de la muraille, les brins eſpacés de 4 à 5 pouces les uns des autres: les faſcines doivent avoir au moins 12 pieds de longueur, & 3 ou 4
pouces de circonference par le gros bout, on les recouvre d’un
lit de terre d’environ 8 pouces de hauteur que l’on bat à la Dame
tant qu’il ſoit réduit à ſix; on répete un ſecond & un troiſiéme lit
de terre toûjours de 8 pouces bien batus & chacun réduit à ſix pou-
ces. S’il ſerencontre des pierres qui empêchent qu’on ne puiſſe bat-
tre également par-tout, on les ôte pour les mettre de côté, enſuite
on étend ſur ce troiſiéme tas un ſecond lit de faſcinage diſpoſé com-
me le premier, que l’on couvre encore de trois autres tas de terre
de 8 pouces, chacun batus ſéparement & réduits à 6 que l’on re-
couvre encore d’un lit de faſcinage, ainſi de ſuite alternativement
trois tas de terres, & un lit de faſcinage juſqu’à la hauteur du terre-
plain du rempart auquel on donne une pente d’un pied & demi de-
puis la banquette juſqu’au talud interieur, en obſervant d’en faire
la ſurface d’une terre bien épierrée & battuë ſi uniment que les eaux
de pluye coulent ſans difficulté; après quoi on éleve le parapet qui
ſe conſtruit de même que le rempart; mais avec un peu plus de
précaution: car ſi les terres dont on veut ſe ſervir ſont pierreuſes,
on les paſſe à la claye, ou bien on en choiſit de douce, & de celle
qui convient le mieux.

O’eſt ainſi qu’on a coûtume de travailler les ouvrages de terraſſe LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. en les mêlant avec des lits de faſcinage que je ne voudrois pourtant
employer qu’à la derniere extrêmité quand on a des terres boüeu-
ſes ou ſabloneuſes qui n’ont point de cervelle, encore ne devroit-
on s’en ſervir que lorſqu’on fait des ouvrages qui ne ſont revêtus
que de gaſons; car pour ceux qui ſont ſoûtenus par une bonne mu-
raille, je croi qu’avec un peu de précaution on pourroit s’en paſſer: leur deffaut eſt qu’étant nouvellement poſées elles empêchent par
leur reſſort qu’on puiſſe battre les terres auſſi ſolidement qu’on le
feroit s’il n’y en avoit point, & que venant à ſe pourrir au bout d’un
certain tems elles laiſſent beaucoup de vuide, ce qui fait que les
terres s’affaiſſent tout denouveau & ſe réduiſent à unehauteur beau-
coup au-deſſous de celle qui avoit été reglée par les profils.

Pour ſe paſſer de faſcines dans la conſtruction des Ouvrages re-
vêtus, je voudrois que les remblais ſuiviſſent exactement le progrés
de la Maçonnerie, s’il s’agit d’un ouvrage qui ait pluſieurs côtés,
après avoir élevé la Maçonnerie d’une face de Baſtion, par exem-
ple à une certaine hauteur qui ſera ſi l’on veut de deux pieds, les
Maçons la quitteront pour aller faire une pareille levée à l’autre
face ou au flanc voiſin, & les Terraſſiers viendront s’emparer de
celle qui eſt vacante pour faire les remblais à la hauteur où ſe trouve
la Maçonnerie, obſervant de bien battre les terres lit par lit de 8
pouces en 8 pouces, toûjours réduites à 6, enſuite les Maçons re-
viendront à la partie qu’ils avoient abandonnée pour y faire une
deuxiéme levée de deux pieds, tandis que les Terraſſiers occupe-
ront celle que viennent de quitter les Maçons, deſorte que pour
bien faire il faut que les Maçons & les Terraſſiers ſe ſuccedent al-
ternativement. De cette conduite, il arrivera deux choſes également
avantageuſes; la premiere, c’eſt que les Maçons auront toûjours un
emplacement commode pour y travailler à leur aiſe, par conſequent
feront un meilleur ouvrage; la ſeconde c’eſt qu’en jettant ſur les
terres nouvellement battuës, les materiaux qu’ils doivent employer
à leur nouvelle levée, & les piétinemens continuels de tous ceux
qui ſeront employés à la Maçonnerie, battront les terres incom-
parablement mieux qu’elles ne l’avoient été d’abord; ce qui leur fera
prendre tout l’affaiſſement auquel elle ne ſeroient arrivées que long-
tems après l’ouvrage achevé.

Ce qui demande encore beaucoup d’attention dans la conſtruc-
tion des ouvrages de terraſſe, ce ſont les revêtemens de placage
ou de gaſon. Le placage ſe fait avec de la terre noire non pierreuſe,
qui ne doit être, ni trop graſſe, ni trop maigre, mais participante
des deux, afin qu’elle ne ſe fende ni ne ſe renfle point après qu’elle LA SCIENCE DES INGENIEURS, aura été employée. On commence par creuſer une petite tranchéc
au pied du parapet pour ſervir comme de fondement au reſte de
l’ouvrage, on la remplit de la terre ſervant au placage, & on a ſoin
de la moüiller & de la lier avec celle qui compoſe le parapet: après
l’avoir bien battuë, on étend deſſus un lit de chiendent fraîchement
tiré pour reprendre plus aiſément, enſuite l’on applique le premier
tas; c’eſt-à-dire un premier lit de terre noire auquel on donne 12
pouces d’épaiſſeur ſur 6 de hauteur que l’on bat bien en long & en
large, juſqu’à ce qu’il ſoit réduit à n’en avoir plus que 4, on recou-
vre ce lit d’un autre de chiendent mêlé avec de la petite faſcine: ſur ce tas ci, on en aplique un autre battu & bien lié avec les terres
du parapet que l’on bat & garnit de lit de grand faſcinage dont le
gros bout eſt éloigné d’environ 4 pouces du placage, auquel on
fait ſuivre le talud que doit avoir le parapet après en avoir recoupé
le parement, & comme ſa hauteur au-deſſus de la banquette eſt
toûjours de quatre pieds & demi, ſon talud eſt de 18 pouces qui
eſt le 6 e de la hauteur. Quant au talud exterieur, on lui donne les
deux tiers de la hauteur; c’eſt-à-dire que quand un ouvrage eſt re-
vêtu de gaſon ou de placage, s’il a exterieurement 18 pieds de
hauteur, on lui en donne 12 de talud.

Les revêtemens de gaſonnage ſe font à peu-près comme le pré-
cedent; car on commence par poſer une premiere aſſiſe de gaſon
au-deſſous du niveau de la derniere banquette pour ſervir de baſe
ou de merande aux autres qu’on doit élever deſſus, tous les gaſons
dont on ſe ſert doivent avoir 15 à 16 pouces de queuë ſur 6 de
largeur & autant de hauteur taillés en coin de mire, cette hauteur
de 6 pouces eſt réduite à 4 après que le gaſon eſt mis en œuvre. Sur cette premiere aſſiſe on en poſe une ſeconde, & ſur celle-ci
une troiſiéme bien diſpoſée à joints recouverts & conduits de ni-
veau ſur toute la longueur de l’ouvrage, ces aſſiſes ſont entre-laſſées
avec des brins de ſaule & quelque-fois de chiendent de même qu’au
placage, & de 3 aſſiſes, en 3 aſſiſes, on étend un lit de grand faſci-
nage qu’on recouvre de terre bien battuë pour former le parapet,
& à meſure que l’ouvrage avance, on recoupe le parement pour
qu’il ſoit bien uni & faſſe le même effet que s’il étoit de Maçonne-
rie; tous les angles ſaillans d’un parapet interieur ou exterieur ſe
font en arrondiſſant, parce qu’autrement il ſeroit bien-tôt émouſſé,
c’eſt même dans ces endroits où la main du Gaſonneur montre ſon
adreſſe.

Le gaſon, pour être bon, doit être coupé dans un pré bien herbu
& racineux un peu humide, les prés qui ſont tourbeux ou ſablo- LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. neux ne valent rien pour cela; toutes les ſaiſons ne ſont pas propres
non plus pour le gaſonnage, le tems le plus convenable eſt le Prin-
tems & l’Automne.

Il faut environ 250 gaſons & 12 faſcines pour une toiſe quarrée
de gaſonnage, il ſemble que 216 gaſons devroient ſuffire, mais on
en compte 40 de plus pour remplacer ceux de rebut, un bon ga-
ſon peſe ordinairement 15 liv. & un Chariot en voiture 100.

Un bon Coupeur de gaſons peut en couper juſqu’à 1500 dans
un jour d’Eté & la moitié ſeulement dans un jour d’Hyver, le Ga-
ſonneur en peut poſer & raſer 10 toiſes quarrées dans un jour, & même d’avantage s’il’eſt bien ſervi pour la terre & pour la faſcine.

Je ne dis rien ici du tunage & du clayonage, parce que je me
propoſe d’en parler dans l’Architecture Ydraulique; je paſſe auſſi
ſous filence quantité de petits détails au ſujet de la maniere de tra-
vailler les terres, qui ne ſont point aſſés de conſequence pour me-
riter une attention particuliere.

A l’égard des Foſſes qui environnent les ouvrages, leur excava-
tion ne doit point être plus profonde que le niveau de la derniere
retraite des fondemens; mais quand ils ſont à ſec, on obſerve pour-
tant de leur donner un peu de talud en venant du pied du rempart
dans le milieu, & du pied de la contreſcarpe dans le même milieu
afin de faciliter l’écoulement des eaux de pluye.

Quand la contreſcarpe n’eſt point revêtuë, on donne aux bords
du Foſſé un talud égal à ſa profondeur, & à meſure qu’on aprofon-
dit, on fait d’abord des banquettes au lieu de talud pour faciliter
les allées & venuës des travailleurs: & , après’que la vuidange eſt
faite, ces banquettes ſont coupées pour former le talud dont je
viens de parler. On donne auſſi un ſemblable talud au pied des ou-
vrages de terraſſe qui ont une berme.

Je ne parle point de la largeur ni de la hauteur que l’on donne
au terre-plain des rempars, parce que cela doit être reglé par les
profils, je dirai cependant que le talud interieur de tous les rem-
parts ont une fois & demi leur hauteur; c’eſt-à-dire que ſi un
rempart à 12 pieds de haut, on lui en donnera 18 de talud.

Je ne dois point oublier de dire ici que quand on forme les faces
des Baſtions, demi-Lunes, contre-Gardes, & c. on obſerve de leur
donner plus d’élevation aux angles ſaillans qu’aux extrêmités: je
veux dire que ces faces ont une petite pente en venant de l’angle
ſaillant aux extrêmités, qui eſt reglée ſuivant la longueur que doi-
vent avoir ces faces, cela contribuë à donner plus de grace à un ou-
vrage & à le couvrir contre les enfilades. Mais quand on a ſeule- LA SCIENCE DES INGENIEURS, ment ce dernier motif en vûe, il y en a qui aiment mieux faire des
ſur-touts aux angles ſaillans. J’ajoûterai auſſi, qu’on donne aux rem-
parts & parapets des Ouvrages, un peu plus d’élevation que celle
qui a été reglée par les profils, pour prévenir les réductions que
cauſent les affaiſſemens.

85.89.1.

Voyez la
14 e . Plan-
che qui
comprend
l’élevation
d’un front@
de Fortifi-
cation.

Quand on fait des demi revêtemens aux ouvrages, on y laiſſe
quelque-fois une berme de 10 pieds de largeur pour une haye vive,
qui ſe fait d’Epines blanches provenans de jeunes plantes pépinieres. Elle ſe plante ſur deux lignes, dont la premiere eſt à 5 pieds du
parapet, & la ſeconde à 2 pieds de la premiere, on la laboure de
tems en tems, & au bout de trois ans on la récépe tout près de terre,
trois autres années après la haye s’étant élévée à une certaine hau-
teur on entre-laſſe tous ſes brins les uns dans les autres, de maniere
qu’ils faſſent un tiſſu de 4 à 5 pieds, ce qui ſe doit répéter tous les
ans, juſqu’à ce qu’elle ſoit parvenuë à la hauteur de 6 pieds, on la
taille proprement devant & derriere afin qu’elle s’épaiſſiſſe mieux,
& on la laiſſe anticiper juſqu’à la moitié de l’épaiſſeur du revête-
ment au ſommet afin qu’il ne reſte d’autre eſpace que celui quiſera
neceſſaire pour le paſſage du Jardinier qui la cultivera.

On plante ordinairement des Arbres ſur le Rempart de la Place
trois ou quatre ans après qu’on l’a élevé, afin que les terres ayent
eû le tems de s’affaiſſer: on en met trois rangées; la premiere ſe
fait au pied de la banquette, la ſeconde à trois ou quatre pieds du
bord interieur du terre-plain, & la troiſiéme au pied du talud du
rempart. On choiſit des Ormes d’une belle tige, bien garnis de leurs
racines, qui ne doivent être ni alterées ni offenſées; quant à leur
groſſeur, il ſuffit qu’ils ayent 6 à 7 pouces de pourtour, parce qu’ils
en reprennent mieux que s’ils étoient plus forts: on les plante à
15 pieds de diſtance les uns des autres, faiſant des trous de 3 pieds
en quarré ſur autant de profondeur. Il eſt à propos de faire ces trous
trois ou quatre mois avant de planter les Arbres, afin que le fonds
puiſſe s’engraiſſer. On a encore beaucoup d’autres petites atten-
tions, qui ſont eſſentielles pour les faire profiter, mais qui ſont aſſés
connuës des Jardiniers pour me diſpenſer d’en faire le détail.

Je n’ai pas encore parlé du chemin couvert, parce que ſa conſ-
truction n’a rien qui ne ſoit renfermé dans ce qu’on a vû au ſujet
de la maniere de conſtruire les Ouvrages de terraſſe; je dirai pour-
tânt, qu’on lui donne ordinairement 6 toiſes de largeur formé par
un parapet de 4 pieds & demi de haut élevé ſur deux ou trois ban-
quetes ſelon qu’on eſt obligé de ſe couvrir contre la campagne: quelquefois l’on ſoûtient ce parapet d’un petit revêtement de Ma- LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. çonnerie qu’on ne conſtruit qu’après que les terres ſe ſont bien
affermies, on l’établit ſur une fondation de trois ou quatre tas de
brique de hauteur, ſur 2 briques & demi d’épaiſſeur, & on lui
donne deux briques ſur la baſe & une brique & demi au ſommet
ſur trois pieds de hauteur, le reſte du parapet qui eſt d’un pied & demi, ſe revêtit de gaſon ou de placage.

Les angles ſaillans des Places d’Armes en raſe campagne doi-
vent être élevés d’un pied plus que l’éxtrêmité de leur face pour ſe
couvrir contre les enfilades; dans le milieu de chaque face on pra-
tique une ſortie coupée à niveau du terre-plain, on lui donne 9 à
10 pieds de largeur ſur 15 de longueur pris du ſommet du parapet
& pour défiler le paſſage, on le détourne en arrondiſſant vers l’an-
gle rentrant, aux deux côtez de chaque ſortie on plante un poteau
aiguiſé & contre-fiché ſur un ſeüil pour porter deux manteaux
de barriere que l’on fait de barreaux à claire voye dont le ſommet
finit en pointe façonnée comme celle des palliſſades, élevé à la
même hauteur & ſur le même allignement.

Les Places d’Armes rentrantes & ſaillantes ſe ferment ordinaire-
ment par des traverſes de terre auſquelles on donne 18 pieds d’é-
paiſſeur au ſommet, leur parapet eſt élevé à la même hauteur que
celui du chemin couvert, avec le même nombre de Banquettes. Quand la contreſcarpe eſt revêtuë de Maçonnerie, les profils des
traverſes le ſont auſſi, ce qui les rend capables d’un plus grand feu
à cauſe que l’on n’eſt pas obligé de leur donner auſſi grand talud
de ce côté-là.

A un demi pied du parapet tant du chemin couvert que des tra-
verſes, on plante ſur la Banquette un rang de paliſſades de bois de
chêne, de brin ou de quartier, de 8 pieds & demi de longueur ſur
18 à 20 pouces de tour meſuré au milieu, elles ſont apointées de
12 à 13 pouces de longueur, la pointe droite ſur le milieu un peu
tronquée pour éviter la pourriture, on les eſpace également à 2
pouces de diſtance l’une de l’autre meſurée ſur le linteau auquel
elles ſont attachées avec des chevilles de bois de chêne bien ſec,
chaſſées de force par le gros bout & fendues par le petit, pour être
contre-chevillées, le linteau ſe fait auſſi de bois de chêne d’une
piéce de 4 pouces ſur 5 d’écarriſſage, laquelle eſt refenduë diago-
nalement à un pouce près des angles opoſés, ce qui donne deux
cours de linteaux. Mr. le Marêchal de Vauban faiſoit ſurmonter la
pointe des paliſſades de 9 pouces au-deſſus de la crête du parapet; mais l’uſage à fait connoître que 6 pouces ſuffiſoient & mettoient
les palliſſades moins en priſe au Canon: on doit les incliner de 6 LA SCIENCE DES INGENIEURS, pouces du côté du parapet pour mieux réſiſter à la pouſſée des
terres, & que le Soldat ſoit plus commodement placé pour fai-
re feu.

Il entre ordinairement 8 ou 9 palliſſades dans la toiſe courante
dont chacune péſe environ 70 liv. Un Chariot en voiture 100. & un
Ouvrier avec ſon manœuvre peut en planter & cheviller trois toi-
ſes courantes par jour.

Quand un rempart n’eſt revêtu que de gaſons, on le fraiſe à la
hauteur du terre-plain; c’eſt-à-dire qu’on l’herriſſe de palliſſades
poſées horiſontalement ayant trois pieds de ſaillie ſur trois pouces
de pente, elles ſont couchées & chevillées ſur un chevet ou lin-
teau. Il y a des perſonnes qui ajoûtent un ſecond linteau ſur l’ex-
trémité qui eſt enterrée, afin qu’on trouve plus de difficulté à les
arracher; mais cela paroit aſſés inutile. Ces palliſſades ſont eſpa-
cées les unes des autres de 4 à 5 pouces, il en faut environ 6 à 7
par toiſe courante.

Comme les Ouvrages revêtus de gaſons ont ordinairement une
berme, on y plante auſſi au bord du Foſſé un autre rang de palliſ-
ſade qui preſente la pointe du côté de la Campagne, on leur fait
faire un angle de 45 degrés avec l’horiſon, & leur ſaillie eſt à peu
près de 4 pieds 10 pouces.

Je crois ne pouvoir mieux finir ce troiſiéme Livre, qu’en rapor-
tant quelques Réglemens de Mr. le Marêchal de Vauban au ſujet
des Travaux, qui conviendront parfaitement ici pour donner aux
jeunes Ingenieurs une idée generale de la façon dont ſe doivent
faire les toiſés des Ouvrages, & ce qu’il faut ſuivre pour avoir de
l’ordre & de l’arrangement quand on eſt chargé du détail.

85.90. Réglemens de Mr. le Marêchal de Vauban, pour la Con-
duite des Travaux.

L’Ingenieur qui ſera chargé en Chef des Travaux d’une Place
fera tous les ans un Regiſtre où chaque Article de l’état des Ou-
vrages ordonnés pour la même année, aura ſa feüille en particu-
lier, dans laquelle tous les payemens de la dépenſe ſeront rapor-
tés en gros & en détail depuis le commencement de ſon execu-
tion juſqu’à ſa fin, conformément aux marchés qui en auront été
faits & aux comptes & toiſés qui ſeront arrêtés de tems en tems
avec les Entrepreneurs; moyennant quoi il lui ſera aiſé, en quel-
que tems que ce ſoit, de faire voir l’état des Ouvrages dont on
pourra tirer des connoiſſances neceſſaires pour le tems de leur LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. durée, & les moyens de les pouvoir achever.

Les Entrepreneurs n’en commenceront aucun en gros ni en
détail, qu’on ne leur ait donné la figure & l’étenduë au juſte,
marqué toutes les hauteurs & profondeurs, & fait un toiſé géné-
ral, du contenu duquel on leur donnera copie, qu’ils ſigneront. Après qu’ils les auront achevés, ils ſeront meſurés pour la ſeconde
fois; & ſi la quantité, qu’on aura trouvée à la fin, differe du com-
mencement, on prendra toûjours le moindre nombre pour le
compte du Roy; ce qui ſe doit entendre pour le remuëment des
terres ſeulement; car pour la maçonnerie il pourroit y avoir des
changemens dans la fondation, qui ſeroient ſi éloignés du toiſé
eſtimatif, qu’on ne pourroit pas s’y tenir ſans tomber volontai-
rement dans une erreur conſiderable.

Tous les ouvrages de terre ſeront meſurés par l’excavation
des foſſés d’où on les aura tirés, à moins qu’il ne fût expreſſe-
ment ſpecifié par le marché de la faire autrement.

Tous les temoins de terre ſeront faits en profils, & non en pi-
ramide, à cauſe des abus & tromperies qui s’y commettent: & ici ſe feront toûjours de concert avec l’Ingenieur, & l’Entrepre-
neur.

L’Ingenieur ne fera payer perſonne à bon compte, ſur les ou-
vrages, qu’il ne ſoit certain, par un bon meſurage, de la poſſibi-
lité de le faire ou non, ſans rien hazarder pour le Roy.

A l’égard des ouvrages de maçonnerie, on tiendra des atta-
chemens ou des memoires exacts, ſignés reciproquement de l’In-
genieur & de l’Entrepreneur, & même des principaux conduc-
teurs des ouvrages, où toutes les épaiſſeurs, longueurs, & hau-
teurs de chaque partie, ſeront nettement expliquées, ſpecifiant
bien l’endroit de chacune, afin d’éviter toute ſorte d’embroüille-
ment & de ſupercherie dans les toiſés generaux.

Pour la charpenterie, on tiendra des attachemens de même
de tous les bois qui ſeront attachés, & de ceux qui ne le ſeront
pas, ſpecifiant bien le nom de chaque eſpece, & même figurant
à la marge, le mieux qu’il ſera poſſible, la partie dont il eſt queſ-
tion, afin d’éviter toute obſcurité.

La même choſe ſera auſſi obſervée pour la maçonnerie, tout
autant de fois qu’on croira en avoir beſoin, pour plus grand éclair-
ciſſement.

Tous les ouvrages de fer ſeront peſés à la livre de ſeize onces
en preſence de l’Ingenieur, après qu’ils auront été forgés, avant
que d’être employés.

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