Cap. Pour donner lieu competent tant à la piece qu’à ceux qui la doiuent gouuer-
ner, charger, nettoyer, rafraiſchir, & luy faire autres tels ſeruices neceſſaires, on ne peut
demander moins de 20. pieds, de ſorte que dés la rouëd’vne piece, iuſques à celle de ſa
voiſine, il y faut 15. pieds de diſtance, qui eſt la moindre qu’on doit auoir: on la peut
eſlargir quand le compris de la batterie le permet. Or au fait des ambrazeures, il faut auſsi
remarquer cecy, à ſçauoir que du coſté interieur elles ſoient autant éleuées par deſſus la
plate forme, qu’ellesy ont de largeur, & que par dehors elles deſcendent autant en talus: aſin que la piece pouuant ioüer du haut en bas deſcouure non ſeulement tant mieux la
campagne, mais auſsi les aduenuës de l’ennemy, s’il s’auançoit de vouloir donner l’aſſaut à
la batterie meſme. Et voye les ſecrets des ambrazeures, cõbien qu’ils ne ſoient dépendans
du General, ains laiſſez a la charge de ſes Lieutenans, Gentils-hommes, Conneſtables & Canonniers.
Gen. Ie m’en contente, mais la batterie dreſsée, & toutes les prouiſions preſtes,
quel ſoing en reſte-il au General?
Cap. Alors le General doit auec grand ſoin & diligence viſiter toutes les trenchées,
& pourueoir en tous endroits qu’il n’y ait faute derien, tant entre l’infanterie & caualerie,
qu’entre ceux qui manient l’Artillerie. Et combien qu’il tiennela poudre chere en autres
endroits, icy il la doit expoſer & bailler liberalement.
Quand on commence à battre, il ne doit ſeulement donner courage à ſes gens, & principalement aux canonniers & pionniers, leur faiſant donner double ſoulagement: mais auſsi procurer qu’il n’y ait defaut d’eau & de vinaigre, pour le rafraiſchiſſement des
pieces eſchauffées.
Cependant qu’on bat, ſelon ſon ordre, à toute outrance, il ſe doit prudemment choi-
ſir vn lieu, duquel il puiſſe voir & remarquer tous les coups & les effets qu’ils font aux dé-
fenſes des ennemis, pour faire promptement remedier au defaut qu’il y pourroit reco-
gnoiſtre.
Auſsi s’ily auoit en quelque trenchée des amis aduancez, il faut qu’il face deffence
préciſe, qu’ils neſoient endommagez: Comme auſsi àl’aſſaut de la breſche, que les ca-
nonniers neioüent de leurs machines, ſans ſon commandement exprés. Ayant veu quel-
quesfois, qu’iceux trompez par quelque mot proferé à la volée, ont grandement intereſſé
les amis aſſaillans en forçans la breſche: A quoy il faut obuier en grande diligence, les ad-
uertiſſant quand il faut ceſſer, ou commencer de ioüer.
La breſche eſtant forcée, & le lieu gaigné, qu’il mette peine d’eſtre le premier qui
annon ce le bon heur de la victoire au General, qui le receura bien amiablement.
Apres, accompagné de ſes Lieutenans & du maiſtre d’Hoſtel, il entrera luy meſme
par la breſche, la viſitant bien curieuſement, s’il y a des mines: & s’ily en a, qu’il eſteigne
le feu de bonne heure, & en oſte la poudre, la liurant au maiſtre d’Hoſtel à bon compte
auec toutes les autres munitions & armes quis’y trouueront.
Puis il viſitera les pieces d’Artillerie, remarquant celles qui auront eſté endommagées
des ſiennes, pour en faire rapport au Prince, & ſoliciter que ſes Gentils hommes, Conne-
ſtables & canonniers ſoient recompenſez de leur diligence.
En fin, s’il eſt queſtion que l’armée paſſe auant, il procurera que les chemins, s’ils ſont
diſſiciles, ſoient par les pionniers & laboureurs accommodez. Et s’il faut paſſer quelque
fleuue, faire auancer les ponts, platines, mariniers, charpentiers, & autres à cela requis,
que le pont de bonne heure ſoit éleué, & n’eſtant point long aſſez, qu’ils y pouruoyent di-
ligemment: faiſant meſme pour cet effet paſſer de l’autre coſté ſuffiſante quantité de char-
pentiers, auec garde competente, tant de gens, que de petites pieces d’Artillerie, pour
reſiſter aux courſes & aſſauts de l’ennemy, qui les y voudroit empeſcher. Et voicy tres-il-
luſtre Seigneur ce qui, ſans autres memoires trop longs à deduire, eſt requis d’vn Gene-
ral de l’Artillerie.