VITRUVE LIVRE II.
CHAP.IX. Supernas, est pire que celuy qu'ils nomment Infernas, qui est tres-bon pour les Edifices à A
cause de sa durée; ce que je vais faire voir, expliquant par les principes qui me sembleront
les plus evidens, pourquoy les differens lieux sont cause de la bonté, ou des vices qui se
remarquent dans les arbres.
CHAPITRE X.
CHAP. X.
Dù Sapin qu'on appelle Supernas, & de celuy qui est nomme Infernas,
avec la description de l'Apennin.
APENNIN commence à la mer Tyrrhene & va le long de la Toscane jusqu'aux
LAlpes : les croupes de cette montagne, qui font comme un demy cercle, s avan¬B
cent & touchent presque du milieu de leur courbure la mer Adriatique. Les pais de Tosca¬
ne & de Naples qu'elles enferment, sont découverts & fort exposez à la chaleur du Soleil:
Ceux qui sont au delà vers la mer d'enhaut & qui regardent le Septentrion sont par tout
couverts & fort ombragez. C'est pourquoy les arbres y sont nourris de beaucoup d'humi¬
dité, qui les fait croistre extrêmement, & qui remplit & gonfle leurs fibres de telle sorte
que quand ils sont coupez & équarris, & qu ayant perdu leur faculté vegetative ils se des¬
seichent, leurs fibres: demeurent en leur premier etat sans se serrer les unes contre les au¬
tres, 2 & leur bois devient si lâche, qu'il est incapable de durer long-temps dans les Edi¬
fices où il est employé. Au contraire les arbres qui sont nez dans les lieux decouverts & qui
ne laissent point tant de vuide entre leurs fibres, s'affermissent en sechant, parce quę le So¬
leil qui en attirant l'humidité de la terre, consume aussi celle des arbres, fait que ceux qui C
sont en des lieux découverts, ont les fibres plus serrées, & non separées par une trop gran¬
de humlditè: ce qui les rend bien plus propres pour faire une charpenterie qui soit de lon¬
gue durée. Et c'est en un mot la raison pour laquelle les Sapins qu'on appelle Infernates,
qui sont pris en des lieux découverts, sont meilleurs que ceux qui sont appellez Super¬
nates qui viennent des païs couverts.
Voila ce que j'ay recherché avec le plus grand soin qu'il m'a esté possible sur toutes les
choses qui sont necessaires aux Edifices, expliquant les principes dont elles sont naturelle¬
ment composees, & quelles sont leurs bonnes & leurs mauvaises qualitez. Ceux qui pour¬
ront suivre ces preceptes, en feront leur profit, & se rendront capables de bien choisir ce
qui est le plus utile pour leurs ouvrages.
Ayant donc parlè de tous les preparatifs qui sont necessaires, je vais dans les livres sui¬D
vans donner les regles qu'il faut observer dans la structure de tous les Edifices, & je com¬
mence, comme il est raisonnable, par les Temples des Dieux, traittant de leurs symme¬
tries & proportions.
I. DEMEURENT EN LEUR PREMIER ETAT. Le texte
conserver & de s'accroistre, & non pas de produire son sem¬
à venarum rigorem permutantes: je trouve dans mon ma¬
blable: ensorte que suivant ce raisonnement on concluroit
uscript venarum rigore permanente; & je suis ce texte qui
que les arbres qui croissent lentement & qui ne deviennent
nisie que les fibres des arbres dont les intervalles sont
jamais extremement grands, seroient les plus foibles: mais
nplies de beaucoup d'humiditém, estant éloignées les une
on ne trouve point dans les ouvrages de la nature que la
les autres lorsque le bois est vert, le rendent spongieux &
promptitude de leur accomplissement, ny la grandeur de
lasche quand il vient à se secher, à cause du grand vuide que
leur masse, soit une marque de leur force, qui ne se doit
cette humidité y laisse aprés qu'elle est consumée: ce qui n'ar
mesurer que par la qualité noble & importante des effets
riveroit pas, si en sechant, les fibres changeoient de place se
qui ne peuvent estre produits que par une vigueur & une
pprochant & se joignant les unes aux autres.
puissance extraordinaire. Par la mesme raison il n'est pas
2. ET LFUR BOIS DEVIENT SI LACHE. Cert exem-
vray que la production des fruits procede d'une moindre for¬
ple confirme ce qui a esté dit au chapitre precedent, scavoir
ce que la production des branches, parce qu'il n'est pas ne¬
que la trop grande abondance d'humidité rend le bois plu¬
cessaire que la puissance qu'un estre employe pour se conser
foible, & de moins de durée. Ce qui est contraire neanmoins
ver, soit plus grande que celle dont il a besoin pour en pro
à la Philosophie de quelques-uns de nos illustres Jardiniers
duire un autre: au contraire il y a apparence que les actions
qui pretendent que l'abondance d'humidité qui fait produir
dont l'usage est le plus ordinaire & le plus necessaire, sont
beaucoup de bois & de feuilles aux arbres, est un effet de leu
celles qui doivent estre les plus faciles, & que celles qui sont
force; & qu'ils ne produisent des fleurs & des fruits que
moins necessaires ne sont faites que de l'abondance de la for¬
parce qu'ils n'ont pas la force de faire du bois; d'autant
ce, qui aprés avoir satisfait à ce qui est de premier & de plus
disent-ils, que la premiere intention de la nature est de se
necessaire, se trouve encore suffisante pour autre chose.