VITRUVE
CH.XIII. sous lequel sont des billots de l'épaisseur d'environ trois doits, qui soûtiennent son bord A
d'embas à une égale distance du fond du coffre. Le haut qui va en s'étrecissant & qui fait
comme un col, est joint à un petit coffre qui soutient la partie superieure de toute la ma¬
Regle musicale.
chine: cette partie s'appelle Canon musicos, & elle a des canaux creusez tout du long au
nombre de quatre, si l'instrument est à quatre jeux; ou de six, s'il est à six; ou de huit, s'il
Tetracardes.H
xacordes. Octe
est à huit. Chacun de ces canaux a un robinet, dont la clef est de fer; par le moyen de cette
cordes.
clef, lorsqu'on la tourne, on ouvre chaque conduit par où l'air qui est dans le coffre passe
dans les canaux; le long de ces conduits il y a une rangée de trous qui répondent à d'au-
tres qui sont à la table qui est dessus, appellée en Grec Pinax. Entre cette Table & le Ca¬
non on met des regles i' percées ensemble, qui sont huilées, afin qu'elles soient aisément*
poussées, & qu'elles puissent aussi facilement revenir; on les appelle Pleuritides, & elles sont B
Costes.
faites pour boucher & pour ouvrir les trous qui sont le long des canaux lorsqu'elles vont
Choragia.
& qu'elles viennent. Il y a 13 des ressorts de fer qui sont clouez à ces regles & qui sont joints
aussi avec les marches, lesquelles estant touchées font remuer les regles. Sur la Table il y a
quels on se servoit ou pour avoir des jeux differens ou pout
gues qui se font à present: car bien que le poids qui char¬
accorder plus facilement les differens tuyaux qui estoien
un soufflet pese davantage vers la fin lorsqu'il baisse, qu':
sur une mesme marche: & il est étonnant que cela n'e
commencement lorsqu'il est levé; l'effet de la pesanteur ne
point este pratiqué dans des Orgues qui ont este faites lon
laisse pas d'estre toujours pareil, parce que la quantité d'a
temps depuis ? car nous avons encore des Orgues qui sont
dont le soufflet est plein quand il est levé, rendant l'air c.
faites il n'y a gueres plus de 200. ans, comme cellede Nostre
pable d'estre plus fortement comprimé & resserré en lui-
Dame de Paris, & de Nostre-Dame deReims, qui n'ont qu'un
mesme, rend aussi son impulsion plus forte, en sorte qu'à
mesure que cette disposition diminuë par l'abbaissement du
jeu compose de vingt tuyaux sur chaque marche sans aucun:
registres. Cela doit faire croire que les Orgues ont esté in¬
souflet, le poids croissant à proportion il se fait une com¬
pensation qui rend l'effet toujours égal.
ventées en ces pais-ci par des Ouvriers qui n'avoient point
de connoissance de celles qui sont décrites par Heron,par
L.AUNOMBRE DE QUATRE. Le Pere Kirxer s'est
Vitruve & par les autres auteurs de l'antiquité.
ore trompé icy, à mon avis, lorsqu'il a estimé que Vitru¬
12. PERCEES ENSEMBLE. Je traduis ainsi ad eum¬
ve appelle la Machine hydraulique, tetrachorde, hexachor¬
dem modum foratae pour signifier que les regles & le canon
de, ou octochorde, parce qu'elle avoit ou quatre, ou si
sont percez au droit l'un de l'autre; afin que quand les re
ou huit tuyaux & autant de marches: & il faut pour conce
poussées par les marches, leurs trous se rencon
voir cette pensée avoir eu bien peu d'attention au texte de
trent avec ceux du can
non; de mesme que dans nos Oi
Vitruve, qui fait entendre si clairement que le nombre des
les trous des regles qui font les Registres, se rencon
cordes, qui sont mises ici pour les tuyaux, ne signifie p¬
au droit des trous qui sont à la seconde chappe du sommier
le nombre des tuyaux qui répondent à pareil nombr
qui porte les tuyaux.
marches, mais le nombre des differentes rangées dont cha-
13. DES RESSORTS DE FER. Je n'ay pû suivre l'opi¬
cune répond à toutes les marches, qui est ce que nous a
nion de Turnebe & de Baldus, qui au lieu de Choragia lisent
lons les differens jeux: car il est dit que ces canaux quie
Enodacia qui sont des boulons de fer, parce que des boulons
au nombre de quatre, de six ou de huit, font appeller l'Orgu¬
de fer ne sont point propres, estant attachez aux regles
tetrachorde, hexachorde ou octochorde, sont en long in lon¬
faire ce qui est necessaire au jeu de ces regles, qui ont besc
gitudine, & il est certain que les marches sont en travers or
d'un ressort qui les fasse revenir quand elles ont estem poussees
dinata in transverso foramina. Il est dit que le vent entre dans
par les marches du clavier: car cela me semble pouvoir
ces canaux par des Robinets qui apparemment font l'office
estre fait assez commodement par du fil de fer servant de
de ce que l'on appelle les Registres dans nos Orgues, & le
ressort. Heron dans ses Pneumatiques dit qu'on se servoit
vent entre dans les tuyaux, lorsque des regles qui réponden
de cordes à boyau pour faire relever les marches aprés
à chaque marche, & qui sont percées chacune d'autant de
qu'elles avoient esté baissées: Mais l'action des ressorts de
trous qu'il y a de canaux, sont poussées par les marches
fer de Vitruve est bien exprimée par le mot de Choragium
quand on les abaisse pour faire que leurs trous se rencon-
qui est mis pour Choragus qui signifie celuy qui fait danser
trent au droit de ceux qui sont aux canaux, & de ceux qui
parce que ce ressort fait sauter les marches du clavier, lor
sont à la table qui porte les tuyaux: car lorsque la marche
qu'il fait revenir promptement les regles après qu'elles ont
en se relevant laisse revenir la regle, ses trous n'estant plus
esté poussées par ces marches. Ce mot de Choragia pour
au droit de ceux des canaux, & de ceux de la table des
Choragi a esté mis de mesme qu'icy au 9 chapitre du cinquié¬
tuyaux, le chemin est bouché au vent. De sorte qu'il y a ap
me livre, où il est parlé de ceux qui ont la conduite des Balets.
parence que ces Robinets estoient comme des Registres des¬
EXPLICATION DE LA PLANCHE LXIII.
Cette Planche represente la machine Hydraulique qui estoit l'Orgue des anciens. A, est le
coffre de cuivre qui est sur la base B. C C, sont les regles élevées à droit & à gauche qui
sont jointes ensemble en forme d'échelle. EE, sont les Barillets de cuivre enfermex entre les
regles. FF, sont les petits fonds qui se haussent & qui se baissent par le moyen des barres de
fer GG, qui sont coudées par des charnieres & jointes a des leviers HH. II, sont les pla-
ques qui couvrent le haut des Barillets: ces plaques sont percées par des trous, auprès desquels
sont les Daufins K K, qui soûtiennent par des chaisnes les Cymbales ou soupapes en forme de
cone marquées LL. Au droit d'MN, sont les trous par lesquels les Barillets ont communica¬
tion avec le coffre de cuivre. N, est le Pnigeus. O, est le petit coffre qui soûtient le Canon
musicos a a QQ. P, est une des clefs des Robinets qui laissent entrer le vent dans le Ca¬