Full text: Vitruvius: Les Dix Livres D'Architecture De Vitruve

VITRUVE 
CHAP. V. sages regnent toujours. Mais en toute sorte de Peinture ils ont representé exactement A 
chaque chose ainsi qu'elle est naturellement. 
Cependant par je ne sçay quel caprice on ne suit plus cette regle que les Ancienss'é¬ 
toient prescrite, de prendre toujours pour modele de leurs Peintures les choses comme 
elles sont dans la verité: car on ne peint à present sur les murailles que des monstres ex 
travagans, au lieu de choses veritables & regulieres. On met pour colonnes des roseaux 
Harpaginetul. qui soûtiennent une entortillement de tiges de plantes cannelées avec leurs feuillages refen. 
dus & tournez en maniere de volutes; on fait des chandeliers qui portent de petits 
chasteaux, desquels, comme si c'estoient des racines, il s'éleve quantite de branches de¬ 
licates, sur lesquelles des figures sont assises; en d'autres endroits ces branches abou¬ 
tissent à des fleurs dont on fait sortir des demy-figures, les unes avec des visages d'hom¬ 
mes, les autres avec des testes d'animaux; qui sont des choses qui ne sont point, & qui p 
ne peuvent estre, comme elles n'ont jamais esté. Tellement que les nouvelles fantaisies 
prevallent de sorte, qu'il ne se trouve presque personne qui soit capable de découvrir 
ce qu'il y a de bon dans les arts, & qui en puisse juger. Car quelle apparence y a-til 
que des roseaux soûtiennent un toit; qu'un chandelier porte des châteaux, & que les 
foibles branches qui sortent du faiste de ces châteaux portent les figures qui y sont com¬ 
me à cheval; enfin que de leurs racines, de leurs tiges, & de leurs fleurs il puisse naître 
des moitiez de figures? ? Cependant personne ne reprend ces impertinences, mais on x 
sy plaist, sans prendre garde si ce sont des choses qui soient possibles ou non; tant 
les esprits sont peu capables de connoître ce qui merite de l'approbation dans les 
ouvrages. 
Pour moy je crois que l'on ne doit point estimer la Peinture» si elle ne represente la C 
veritè, & que ce n'est pas assez que les choses soient bien peintes, mais qu'il faut aussi que 
le dessein soit raisonnable, & qu'il n'y ait rien qui choque le bon sens. 
que per topia ne scauroit signifier autre chose; le sens estant 
sur des roseaux, & que des moitiez d'animaux sortent du 
que quoy que l'Histoire & le Paisage soient deux especes 
milieu des fleurs. Car c'est la mesme chose que si quelqu'un 
de Peintures differentes, le Paisage neanmoins est toûjours 
vouloit décrier la comedie Italienne, en disant qu'on n'y re 
presente rien de vraisemblable, & en prouvant par de bon 
joint avec l'Histoire, ce qui n'est pas de mesme au Paisage, 
qui peut estre sans l'Histoire. 
nes raisons qu'il est impossible que Harlequin avec son mas¬ 
6. UN ENTORTILLEMENT DE TIGES. Je traduis ainsi le 
oir soit pris pour la Deesse Diane ou pour une grappe 
sin. 
mot Harpaginetuli qui embarasse fort tous les Interpretes. 
9. SI ELLE NE REPRESENTE LA VERITE'. La Pein¬ 
Philander y renonce: Baldus corrige le mot & lit Harpage. 
ture a deux sortes de veritez, l'une est Historique & l'autre 
& mituli, c'est-à-dire des crochets & des coquilles: Cisara¬ 
Naturelle. La verité Historique consiste dans l'arangeme 
nus & J. Martin croyent que ce sont des Harpies: Turnebe 
& dans l'assemblage des choses qui sont representées, enso 
a recours à de vieux exemplaires, dans lesquels il trouve 
que cette verité est blessée quand on joint des choses qui ne L 
A pagine oculi, qui me semble encore plus obscur que Har¬ 
paginetuli. Ce nom est un diminutif de Harpagines, qui signi¬ 
doivent & qui ne peuvent estre ensemble, comme Alexandre 
fie des crochets: ce qui m'a donné lieu de traduire en tortille- 
avec une barbe blanche, ainsi qu'il est peint dans nos cartes 
à jouer, & mesme dans un fort beau tableau du Brugle; 
ment de tiges, comme qui diroit des tiges attachées en- 
semble. 
verité Naturelle est dans la Peinture, quand elle repi 
sente les choses absolument telles que la nature les a fai¬ 
7. Qu'IL NE SE TROUVE PRESQUE PERSONNE 
tes ; c'est-à-dire quand elle donne le relief, la saillie, l'en- 
Cét endroit a si peu de sens qu'il a esté necessaire de le para- 
foncement, le jour, l'obscurité, la force, la tendresse, 
phraser un peu, & de dire ce qu'il y a apparence que Vitruve 
r, la grace, la vivacité, la graduation, l'union qui 
a voulu dire, au lieu de ce qu'il a dit. J'ay ajoûté la particule 
contoui 
ire pour faire que les choses paroissent estre ce qu'elles 
necessai 
ad car uti inertia mali judices conniveant artium virtutes n'a 
seroient si elles estoient en effet. Cette derniere verité appar 
point de sens; conniveant ad artium virtutes, peut en avoir 
tient plus proprement à la Peinture, que l'autre qui luy es 
quelqu'un; sçavoir que l'ignorance de ceux qui veulent juger 
étrangere: Car c'est assez de n'estre pas dépourvu du sens le 
des arts leur ferme les 
reux, & les empesche de voir ce 
plus commun pour estre hors du danger de pecher contrela 
qui fait l'excellence des beaux ouvrages. 
veritè Historique: mais il faut avoir un genie rare & extraor¬ 
8. CEPENDANT PERSONNE NE REPREND CES 
dinaire, une étude consommée & un bon heur particulier 
IMPERTINENCES. Vitruve n'en a pas esté crû sur le jugement 
pour satisfaire à tout ce que requiert la verité Naturelle, E 
qu'il a fait des Grotesques, & bien loin de persuader à l 
c'est-à-dire pour ne point manquer à representer tous les 
posterité que ce qu'elles ont de ridicule les doit faire rejetter; 
effets que les objets font sur la veuë. Cependant dans le 
mon opinion est que ce qu'il en dit icy, n'a servy qu'à en 
donner le modele, & que l'on n'auroit peut-estre jamais e 
pensée de ces extravagances, sans ce qu'il nous en a laisse 
écrit: parce que toutes les particularitez de cette espece d 
sonnes capables de scavoir ce qui fait qu un tableau a tout ame 
qui est necessaire à la verité Naturelle, quoyqu'il soit fort 
Peinture sont icy si bien décrites; que la perte que les injures 
du temps nous avoient fait faire de tous les Tableaux que 
aisé de connoistre s'il l'a ou s'il ne l'a pas; & qu'il n'y a guere 
de personnes qui ne remarquent aisément les défauts de la 
l'antiquité avoit fait de cette espece, est fort bien reparée 
Et cet Auteur a bien mieux reussy à instruire nos peintr 
verité Historique; de mesme qu'il n'est pas si difficile de 
l'estat de ces sortes d'ouvrages, qu'il n'a fait à les det 
connoistre qu'une Bibliotheque n'est pas bien rangée quand 
ner de les imiter, avec le beau raisonnement par lequel il 
les livres sont mis le haut en bas, que de sçavoir si les livres 
sont bons. 
prouve qu'il est impossible que des Chasteaux soient fondez
	        
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