LES DIX LIVRES
DARCHITECTURÉ
UVE
VITR
D
LIVRE PREMIER
PREFACE.
ORSQUE je considere, i Seigneur, que par la force de vostre
divin genie vous vous estes rendu maistre de l'Univers, que vostre
valeur invincible en terrassant vos ennemis, & couvrant de gloire
ceux qui sont sous vostre Empire, vous fait recevoir les hommages
de toutes les nations de la terre, & que le peuple Romain & le Senat
fondent l'assurance de la tranquillité dont ils jouissent sur la seule
sagesse de vostre gouvernement, je doute si je dois vous presenter
cet ouvrage d'Architecture. Car bien que je l'aye acheve avec un
tres-grand travail, en m'efforçant par de longues meditations de
rendre cette matiere intelligible; je crains qu'avec un tel present je ne laisse pas de vous
estre importun, en vous interrompant mal-à-propos dans vos grandes occupations.
I. SEIGNEUR, Il y a Imperator Casar dans le texte.
theatre de Marcellus qui ont esté bastis sous Aug
l'estoient pas encore du vivant de Vitruve, qui a c
Quelques-uns doutent quel est l'Empereur à qui Vitruve
son Livre avant qu'Auguste fust Empereur, & luy a dedié au
dedie son Livre; parce qu'il n'y a point d'adresse dans le
commencement de son Empire: Car si Titus estoit l'Empereu
inder estan
anciens exemplaires qui nomme Auguste, P
vii Pollionis
pour qui Vitruve a fait son Livre, cet auteur n'auroit pas affe
le premier qui a intitulé cet ouvrage M. Vi
cté de ne faire aucune mention des beaux édifices construits du
de Architectura lib. X. ad Caesarem Augustum. Il y à nean¬
mps d'Auguste & du depuis, & principalement du Colisée
moins plusieurs choses qui peuvent faire croire que c'est
hevé par Vespasien. Mais ce qui me paroist bien fort est c
Auguste à qui ce Livre est dedié, & non Titus, ainsi que
qui est au troisième Livre, où Vitruve parle d'un Temple qu
quelques-uns veulent. Premierement le style tient beaucoup
dit estre proche du Theatre de pierre: car cela fait voir qu
du temps de Vitruve il n'y avoit à Rome qu'un Theati
le pierre, scavoir celuy de Pompée, ce qui n'estoit plus vray
qu'elle a eue dans ceux qui l'ont suivy, & que l'on commen¬
temps de Vespasien, où il y avoit à Rome plus d'un
oit à sentir dans Seneque, dans Pline & dans Tacite; ainsi
heatre de pierre; & il n'est pas croiable que le theatre de
qu'il paroist par les vieux mots dont Vitruve se sert, tel
Pompée eust retenu le nom de theatre de pierre, de mesm
ue sont donicum pour donec, quot mensibus pour singulis
que le nom de Pont-neuf est demeuré à un des Ponts d
mensibus & plusieurs autres qui se lisent dans Ennius, dant
Paris, quoyqu'il y en ait plusieurs autres de plus neufs.
Pacuvius & dans Lucrece, dont il parle comme des
heatre de Pompée comme du
cela estoit, Pline qui parle du tl
vains les plus polis qui luy fussent connus, sans faire
e, n'auroit pas oublié de dir
remier basti de pierre à Rome
tion des autres Auteurs dans le langage desquels on trouv
ue le nom de theatre de pierre luy estoit demeuré. Ce
cette beauté particulière à celuy du siecle d'Auguste, &
conjectures qui à la verité ne sont point convaincantes m
qu'apparemment Vitruve ne goustoit pas, suivant l'humeur
semblent neanmoins plus fortes que celles qu'on a du con¬
des personnes de son âge, qui méprisent ordinairement les
traire, telles que sont celles qu'on prend du Temple de la
choles nouvelles : car cela doit empescher qu'on ne soit
Fortune Equestre de Rome, dont il est parlé au
étonné de ce qu'il n'a pas mis Ciceron & Virgile au nom-
liv. & que quelques-uns veulent n'avoir esté bas
bre des excellens Ecrivains de son temps. En second lieu
puis Auguste: de mesme que celle qui est prise du f
les exemples pris des bastimens de Rome dans plusieurs en-
droits de cet ouvrage, font voir que ny le Pantheon ny le Massinissa dont Vitruve fait mention au 4. chap. du