PREFACE.
gneusement où il va. J'en ay toujours use de cette sorte, si ce n'est quand l'obscu¬
rité de la chose m'a obligé de rendre mot pour mot: car alors je l'ay fait afin que
s'il se rencontre quelque esprit éclairé dans ces matières à qui il ne manque que
l'intelligence de la langue Latine, il puisse découvrir le sens ou le suppléer en
changeant quelque chose.
Il est vray que ces changemens sont tres-dangereux, & qu'il est à craindre que
l'on n'augmente le mal en voulant y remedier, ainsi qu'il y a apparence que les
Copistes ont souvent fait lorsqu'ils ont corrompu le texte en pensant corriger
des endroits qu'ils croyoient corrompus, parce qu'ils ne les entendoient pas. Ily
a un exemple de cela à la fin du 8 chapitre du 2 livre, où le Copiste qui a ecrit un
manuscript dont je me suis servy, ayant lû dans l'original qu'il copioit, ex veteri¬
bus tegulis tecti structi, a crû qu'il y avoit un soloecisme, s'imaginant que tecti
estoit un plurier, & qu'il falloit mettre ex veteribus tegulis tecta structa, c'est-à¬
dire des toits faits avec de vieilles tuiles: car au lieu de corriger une faute il a effe¬
ctivement gasté le sens du discours, qui demande qu'il y ait ex veteribus tegulis
tecti, structi parietes, ainsi qu'il y a dans les livres imprimez, qui ont en cela suivy
un bon manuscript. J'ay cru neanmoins que cela ne devoit pas m'empescher de
proposer mes conjectures sur les endroits de Vitruve qui sont manifestement cor¬
rompus: Car si les remedes sont quelquefois dangereux quand on en fait user à
ceux qui se portent bien, il est certain que quelques douteux qu'ils puissent estre
ils ne sgauroient nuire, quand on ne fait que les proposer. Cest pourquoy je ne
mets jamais dans la traduction les corrections que des conjectures m'ont fait fai¬
re, sans en avertir dans les Notes; & ainsi je ne contrains point le Lecteur de sui¬
vre mon opinion, mais je tasche à la luy persuader,
Il se trouve dans les Notes un grand nombre de ces corrections dont il y a
quelques-unes qui sont assez importantes; tous les autres Interpretes ensemble
ni en avoient point tant fait. Il seroit à souhaitter qu’il y en eust encore davanta¬
ge. Car bien loin d' approuver la modestie de ceux qui n'ont osem toucher au texte
de Vitruve, par lerespect qu'ils ont eu pour ses Copistes au prejudice de la verité;
la grande veneration que j ay pour l'Auteur mesme, m'a porté à declarer mes sen¬
timens sur ses pensees; en quoy je n'ay pas cru faire tort a lopinion que l'on doit
avoir de la sufisance d un si grand personnage, puisque sans rien decider je pro¬
pole seulement les doutes que jay qu'il nese soit trompé en quelque chose; car
je ne ctois pas que quand on entreprend d'ezpliquer un Auteur, on sengage à
faire son panegyrique, ny à soûtenir tout ce qu'il a écrit.
Bien que les Notes soient principalement pour rendre raison de la traduction
& des corrections nouvelles du texte, comme ausside celles qui ont esté prise¬
dans les autres Interpretes; on na pas laisse de faire des remarques en passant.
pour lervir d'explication aux termes obscur, & ux choses mesmes ou ilse ren¬
contre un grand nombre de difficultez.
Quelques uns pouront trouver que ces Notes sonten trop petit nombre amp
qu'elles nesont pas les plus necessaires ap; e plus importantes. A la verité il au¬
foit esté facile dele fareplus amples, en traduisant tout ce que Cisaranus, Phi¬
lander, Barbaro, Baldus, Budée, Turnebe, Lipse. Saumaie, &luscurs au-
tres Auteurs celebres ontrecherche & porté fort au long dans leurs Commen.
tales, & nelme dy ajodter beaucoup d'autres choses; parcequele fujet, dela
maniereque Viruvele traite, est svaste, qu'il est faciledy trouver place pour
tource que fon seit, quand on na pasdautre desin que de faire comoistre
que fonsgai beaucoup de chose. Mais on a counsideré quily a long temps que