LIVRE X.
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Montants et de Traversants (2) dont il fit une Loge (3), dans laquelle il sus
pendit un Bélier, et il couvrit cette loge de peaux de bœufs, afin de mettre en
sûreté ceux qui travaillaient à battre la muraille. Depuis ce temps-là, on appela
cette loge une Tortue à Bélier (4), parce qu'elle ne pouvait avancer que fort
lentement (5). Telle fut l'origine de ces sortes de machines.
(Polydus le Thessalien leur donna la dernière perfection. Au siège que le roi
Philippe, fils d'Amyntas, mit devant Byzance, il en inventa de plusieurs sortes,
dont on se servait avec beaucoup de facilité. Il eut pour disciples Diades et Che¬
reas, qui servirent sous le grand Alexandre. Diades a laissé quelques écrits dans
lesquels il prétend être l'inventéur des tours roulantes, et il dit qu'il les faisait
porter, démontées, quand l'armée marchait. Il ajoute que c'est lui qui a aussi
inventé la Tarière et une machine montante, par le moyen de laquelle on pas
sait de plain-pied sur la muraille, comme aussi le Corbeau Démolisseur, que l'on
appelle aussi une Grue (6). Il se servait du Bélier posé sur des roues, dont il a
expliqué la structure.
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(2) Ce que Vitruve appelle Arrectaria, Athénée
l'appelle scalæ, c'est-à-dire jambes. Il y a apparence
que le met scala est dérivé de ce mot grec, parce que
l'échelle est composée de deux montants, comme de
deux jambes, et de plusieurs échelons en travers.
(3) Je traduis le mot vara par une hutte. Dans
notre traduction nous avons mis LoGE, suivant l'opinion
de Baldus, qui croit que vara vient de varus, qui si¬
gnifie courbé ; et Saumaise dit que c'est de là qu'est
dérivé le mot français se garer, comme qui dirait
guarare au lieu de varare, ainsi que guespe est dit du
latin vespa. C'est pourquoi il m'a semblé qu'une cou
verture courbée sous laquelle on se gare pouvait
être appelée une hotte.
(4) Vitruve, après la raison du nom de Tortue dans
Athénée Végèce, en donne une autre, qui est la res
semblance que cette machine a avec l'animal dont elle
porte le nom, qui avance la tête hors de son écaille, et
qui la retire dedans de même que le bout du béliei
s'avance et se retire hors de la machine. On peut dire
aussi que son usage lui a fait donner ce nom parce
qu'elle sert de couverture et de défense très-forte et
très-puissante contre ce qui peut tomber d'en-haut, et
qu'elle met en sûreté ceux qui sont dedans, de même
que la tortue l'est dans son écaille.
(5) Plutarque dit que l'Hélépole de Démétrius était
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un mois à faire un stade, c'est-à-dire près de deux
ans à faire une lieue.
(6) Il ne paraît point par les descriptions que nous
trouvons dans les anciens de la machine appelée Cor¬
beau, qu'elle pût servir à démolir. J. Pollux et Polybe
parlent d'une machine que l'on appelle grue, et d'une
autre que l'on appelle corbeau, dont la structure et les
usages en général semblent être pareils l'un à l'autre,
étant faite pour accrocher attirer, et enlever : car la
grue de Pollux servait aux théâtres pour faire les en¬
lèvemens ; et c'était avec cette machine, par exemple,
que l'aurore enlevait Tithon. Le corbeau de Polybe
était pour accrocher les navires des ennemis. La des¬
cription que cet historien en fait est assez obscure, et
ce que l'on y peut entendre est qu'il y avait une co¬
lonne sur laquelle une échelle tournait, et qu'au bout
de l'échelle était une poulie qui soutenait une corde,
à laquelle était attaché un crochet de fer très-pesant,
et que l'on laissait tomber dans le navire ennemi. Il
est dit que la machine se pouvait tourner aisément de
tous les côtés sur la colonne, que des moises embras¬
saient par le milieu, à ce que l'on peut juger, pour
l'empêcher de vaciller. La grue dont on se sert en
France pour enlever les fardeaux et les poser aisé¬
ment où l'on veut, et qui a été décrite ci-devant au
chapitre cinquième de ce livre, semble être quelque