Full text: Vitruvius: Les dix livres d' architecture de Vitruve

LIVRE VII. 
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sur lesquelles des figures sont assises; en d'autres endroits ces branches abou¬ 
tissent à des fleurs dont on fait sortir des demi-figures, les unes avec des visages 
d'hommes, les autres avec des têtes d’animaux ; toutes choses qui ne sont point, 
qui ne peuvent pas être, et qui n’ont jamais existé. Cependant ces nouvelles 
Jantaisies prévalent tellement aujourd'hui, qu'il ne se trouve presque personne (5) 
qui soit capable de découvrir ce qu’il y a de bon dans les arts, et qui en puisse 
juger sainement; car quelle apparence y a-t-il que des roseaux soutiennent un 
toit, qu'un chandelier porte des châteaux, et que les faibles branches qui sor¬ 
tent du faife de ces châteaux portent des figures qui y sont comme à cheval; 
enfin que de leurs racines, de leurs tiges et de leurs fleurs il puisse naître des 
moitiés de figures? Eh bien! malgré l'évidente fausseté de ces compositions, 
personne ne reprend ces impertinences (8), mais on s'y plait, sans prendre 
garde si ce sont des choses qui soient possibles ou non ; tant les esprits sont 
peu capables de connaître ce qui mérite de l’approbation dans les ouvrages. 
Pour moi, je crois que l’on ne doit point estimer la peinture si elle ne repré¬ 
sente la vérité (9), et que ce n’est pas assez que les choses soient bien peintes, 
lieu de traduire entortillement de tiges, comme qui 
ment par lequel il prouve qu'il est impossible que des 
dirait des tiges attachées ensemble. 
châteaux soient fondés sur des roseaux, et que des 
(7) Cet endroit a si peu de sens qu'il a été néces¬ 
moitiés d'animaux sortent du milieu des fleurs. Car 
saire de le paraphraser un peu et de dire ce qu'il 
c'est la même chose que si quelqu'un voulait décrier 
la comédie italienne en disant qu'on n'y représente 
rien de vraisemblable, et en prouvant par de bonnes 
raisons qu'il est impossible qu'Arlequin avec son 
y a apparence que Vitruve a voulu dire, au lieu de 
ce qu’il a dit. J'ai ajouté la particule ad, car uti inertia 
mali judices conniveant artium virtutes n'a point de 
sens ; connieant ad artium virtutes peut en avoir quel¬ 
masque noir soit pris pour la déesse Diane ou pour 
qu'un, savoir que l'ignorance de ceux qui veulent 
une grappe de raisin. 
juger des arts leur ferme les yeux et les empêche de voir 
(9) La peinture a deux sortes de vérités; l'une est 
ce qui fait l'excellence des beaux ouvrages. 
historique et l'autre naturelle. La vérité historique 
(8) Vitruve n'en a pas été crù sur le jugement qu'il 
consiste dans l'arrangement et dans l'assemblage des 
à fait des grotesques, et, bien loin de persuader à la 
choses qui sont représentées ; en sorte que cette vé¬ 
postérité que ce qu'ils ont de ridicule les doit faire 
rité est blessée quand on joint des choses qui ne doi¬ 
réjéter, mon opinion est que ce qu'il en dit ici n'a 
vent et qui ne peuvent être ensemble, comme Alexan¬ 
servi qu’à en donner le modèle, et que l'on n'aurait 
dre avec une barbe blanche, ainsi qu'il est peint 
peut-être jamais eu la pensée de ces extravagances sans 
dans nos cartes à jouer et même dans un fort beau 
ce qu’il nous en a laissé par écrit, parce que toutes 
tableau du Brugle. 
les particularités de cette espèce de peinture sont ici 
La vérité naturelle est dans la peinture quand elle 
si bien décrites que la perte que les injures du temps 
représente les choses absolument telles que la nature 
nous avaient fait faire de tous les tableaux que l'an¬ 
les a faites ; c'est-à-dire quand elle donne le relief, la 
tiquité avait faits de cette espèce est fort bien réparée: 
saillie, l'enfoncement, le jour, l'obscurité, la force, 
et cet auteur a bien mieux réussi à instruire nos pein¬ 
la tendresse, le contour, la grâce, la vivacité, la gra- 
tres de l'état de ces sortes d'ouvrages qu'il n'a fait 
dation, l'union qui est nécessaire pour faire que les 
à les détourner de les imiter avec le beau raisonne- choses paraissent être ce qu’elles seraient si elles étaient 
TOME II. 
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