Full text: Vitruvius: Les dix livres d' architecture de Vitruve

(1) Cette manière de faire un Môle en bâtissant su! 
le bord une masse de maçonnerie soutenue sur du sable 
et qui tombe ensuite dans la mer lorsqu'elle vient à 
emporter le sable, est décrite dans Virgile au neu¬ 
vième chant de l'Enéide par ces vers : 
Qualis in Euboïco Baiarum littore quondam 
Saxea pila cadit, magnis quam molibus ante 
Constructam jaciunt ponto , sic illa ruinam 
Prona trahit, penitusque vadis illisa recumbit. 
que ces paquets doivent être longs et étroits, de même 
qu'étaient les sacs dont Pline dit que Ctésiphon se servil 
pour poser les pierres énormes des architraves du 
temple de Diane d'Ephèse. J. Martin, qui lit aussi pe¬ 
rones, a cru que ces bottes servaient aux ouvriers qui 
travaillaient aux bâtardeaux : Cujas, Turnebus et Sau¬ 
maise veulent qu'on lise herones, qui signifie des man¬ 
nequins. Ils se fondent sur Donatus, qui dit que les La¬ 
tins, de son temps, appelaient un mannequin, heronem. 
Ce mot de sac signifie proprement, en notre langue, ce 
que perones, merones et herones ne signifient que mé¬ 
taphoriquement en latin. 
(3) J'interprète le mot Uloa par Herbes de marais. C'est 
une herbe fort célèbre dans Virgile, qui en parle au 
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LIVRE V. 
côtés du massif des petits murs d'environ un pied et demi, jusqu’'à la hauteur 
de la partie du massif qui est à niveau avec le sol, ainsi qu’il a été dit, et on 
remplira de sable le creux du talus jusqu’au haut des rebords. Cette esplanade 
étant faite, on bâtira dessus une masse de maçonnerie de la grandeur que l'on 
jugera suffisante, et l'ayant laissée sécher au moins pendant deux mois, on abat¬ 
tra les rebords qui soutiennent le sable qui, étant emporté par les vagues, laissera 
tomber et glisser la masse dans l’eau (1) ; par ce moyen on pourra peu à peu 
s'avancer dans la mer autant qu'il sera nécessaire. 
Dans les endroits oùl'on pourra se procurer cette poudre, appelée Pozzolane, 
on emploiera ce moyen. On enson cera dans la mer, autour de l'espace qu'on aura 
choisi, de doubles rangées de poteaux liés et consolidés ensemble comme il à été 
dit, et l'on remplira les intervalles de ces doubles rangs avec de l'argile mise dans 
des sacs (2) faits d’herbes de marais (3), après les avoir bien battus pour les affer¬ 
(2) DES SACS FAITS D'HERBES DE MARAIS. On est bien 
empêché de savoir ce que c'est que merones. La chose, 
dont Vitruve parle, est assez claire et assez entendue 
pour faire juger que ce doivent être des paquets, et que le 
mot de merones doit être corrompu. Cisaranus, Caporali 
et Philander croient qu’il faut lire perones, qui signifie 
des bottes ou des chausses, comme si Vitruve entendait 
deuxième et au sixième chant de l'Enéide, comme d'une 
plante aquatique; mais qui est demeurée inconnue aux 
botanistes, qui n'en disent presque rien autre chose, 
sinon qu'uloa est dans les marais d’eau douce ce 
qu'alga est dans la mer, et ils ne disent point bien 
assurément ce que c'est qu'alga; ils croient scule¬ 
ment qu'alga est le phycos des Grecs, quoique Pline 
assure qu’il n’y ait point de mot latin pour signi¬ 
fier le phycos, parce que c'est un arbrisseau, et qu'alga 
est une herbe. Anguillar dit que quelques-uns ont cru 
qu'uloa est la tiphé de Dioscoride , savoir cette espèce 
de jonc qui a des masses au sommet ; mais il déclare 
que ce n’est point son opinion. Je crois néanmoins 
qu’elle a quelques probabilités, étant fondée sur le texte 
de Vitruve; car il se trouve que les anciens se servalen 
des feuilles de ces joncs à masse, pour faire des nattes et 
des matelas, et elles y sont fort propres, si on les prend 
avant que les joncs aient jeté leurs tiges; de sorte que je 
crois que les perones, merones, ou heronés, soit qu'on 
les interprête des sacs, des mannequins ou des cabas, 
étaient des paquets de terre grasse, enveloppes de ces 
feuilles de joncs, qui sont longues d'un pied et quelque 
fois de deux, larges d’un doigt, dures et pliables, parce 
que ces feuilles négligemment entrelacées servaient à 
empêcher que la craie ou terre grasse ne vint à se dis¬ 
soudre trop promptement dans l'eau , et quand on pe¬ 
trissait ces paquets après que les bâtardeaux en étaient 
remplis, ces herbes qui se rompaient et se déliaient 
n’empêchaient pas que les paquets de craie ne se mélas¬
	        
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