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donnait point d'autre forme à leurs palais que celle d'une forteresse; ensorte
que les plus nobles artisans, dont le génie pouvait produire quelque chose de
plus achevé ou de plus poli, étaient d'excellents instruments qui demeuraient
inutiles. Mais aussitôt que ce prince, qui a mérité le nom de premier père des
arts et des sciences, témoigna l'amour qu'il avait pour les belles choses, on vit
paraître, comme en un instant, dans toutes les professions, d'excellents hommes
que son royaume lui fournit, et qui n'eurent pas long-tems besoin du secours
et des enseignements qu'ils reçurent des étrangers.
César, dans ses Commentaires, témoigne qu'il fut surpris de voir les grandes
tours de bois et les autres machines de guerre que les Gaulois avaient fait con
PRÉFACE
struire à l'imitation de celles qui étaient dans son armée; il admirait aussi que
des peuples qui n'avaient jamais employé dans la guerre qu'une valeur singu-
lière fussent, en aussi peu de tems, devenus aussi habiles dans les autres arts
Lorsque François Ier fit venir d'Italie Sébastien Serlio, l'un des plus grands
architectes de son temps, à qui il fit donner la conduite des bâtiments de Fon
tainebleau, où ont été composés les excellents livres d'architecture que nous
avons de lui, nos architectes profitèrent si bien de ses instructions, que le roi
avant commencé de travailler au dessin du Louvre, qu'il entreprit de faire bâtir
avec toute la beauté et la magnificence possible, le dessin d'un Français (1
fut préféré à celui que Serlio avait fait. Ce dessin fut exécuté par les architectes
du roi (2), et la perfection se trouva en un si haut point dans ce premier essai
de nos architectes français, que les étrangers même avouent que ce qui a été
bâti dès ce tems-là au Louvre est encore à présent le modèle le plus accom¬
pli que l'on puisse choisir pour la belle architecture.
Cette préférence, si honorable pour nos architectes, releva tellement le cou¬
rage de tous ceux de la nation qui se trouvaient avoir quelque disposition pour
l'architecture, et les porta à s'appliquer avec tant de soin à la recherche des
secrets de cet art, qu'ils acquirent assez de suffisance pour aller se faire admi-
rer jusque dans Rome, où ils firent des ouvrages que les Italiens même recon-
(1) L'abbé Clagny, Parisien.
(2) Jean Goujon, Parisien, et M. Ponce.