Full text: Vitruvius: Les dix livres d' architecture de Vitruve

par le moyen du mortier, parce que la chaux quittera le sable (1), et les mu- 
railles seront ainsi bientôt ruinées. C'est ce qui est arrivé, aux environs de Rome, 
à plusieurs anciens bâtiments dont les murailles sont faites de marbre et d'autres 
grandes pierres de taille carrées, garnies de remplage à l'intérieur: ces mu- 
railles tombent en ruine, parce que les joints se désunissent à cause que la force 
du mortier dont elles sont faites s'est dissipée et évaporée, en séchant, au tra¬ 
vers des pores que le tems a élargis dans ces pierres. 
Pour obvier à ces inconvénients, il faut laisser un vide entre les parements (2); 
remplir le dedans ou de pierres rouges carrées, ou de tuileaux, ou de cailloux 
communs; donner aux murailles deux pieds d'épaisseur, et joindre les parements 
avec des crochets de fer plombé; si, en suivant cette marche, on a le soin de ne 
pas faire l'ouvrage tout à la fois, mais par reprises, il durera éternellement, 
parce que les lits des pierres et les joints, se rapportant également et étant liés, 
(1) Les parties du mortier ne sauraient être attachées 
ensemble, ni le mortier faire liaison avec les pierres 
s'il ne demeure long-tems humide : car lorsqu'il se sé¬ 
che trop tôt, la chaux quitte le sable, ainsi qu'il est dit 
c'est-à-dire que ces deux substances étant séparées 
l'une de l'autre par l'interposition de l'air que la séche 
resse introduit, les parties volatiles qui, sortant du sable 
devraient passer dans la chaux pour lui rendre sa du¬ 
rêté, ne la pénêtrent point, mais se perdent dans l'air. 
Or cela n'arrive point lorsque le mortier est humide ; 
car, par le moyen de l'humidité, la chaux et le sable 
sont immédiatement joints l'une à l'autre, et les parties 
volatiles du sable étant long-lems retenues par l'hu 
midité, ont le loisir de pénétrer la chaux. C'est ce qui 
fait que l'on met moins de chaux dans le mortier don 
on maçonne les fondements et les murs qui sont sous 
terre, que dans ceux qui sont à l'air; parce que dans les 
derniers il faut rendre la chaux assez forte par la quan¬ 
tite pour tirer promptement et suffisamment la substance 
volatile du sable pendant le peu de tems que le mortien 
demeure humide, tandis qu'il n'est pas besoin d'une 
si grande force de chaux au mortier qui est long-tems à 
sécher, parce que cette force, quoique moindre, agis¬ 
sant pendant un long tems , fait le même effet qu'une 
plus grande qui n'agit que pendant peu de tems. 
(2) Je traduis parements le mot orthostatæe, qui si¬ 
gnifie à la lettre les choses qui sont dressées et élevées à 
plomb; car, quoique proprement ce mot signisie des 
TOME I. 
LIVRE II. 
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étaies, poteaux, chatnes, piédroits, pilastres, éperons et 
jambes de force, il y a néanmoins lieu de croire que 
Vitruve s'en est servi pour signifier le parement de la 
muraille, parce qu'il est toujours fait de pierres qui 
s'élèvent également droit les unes sur les autres, et que 
nous appelons dressées à la règle : ce qui ne se rencon¬ 
tre pas aux pierres qui font la garniture du dedans de 
la muraille, lesquelles ne feraient pas une structure fort 
droite, si on avait ôté les pierres qui font les paremens. 
Tous les traducteurs qui ont interprété orthostatœe par 
les mots de jambes de force ou d'éperons, n'ont pas, ce 
me semble, si bien expliqué cet endroit qui est fort 
obscur. Tout ce qu'on peut objecter à l'explication que 
je donne de cette structure, est qu'il semble qu'elle a 
un grand rapport avec celle qui est appelée Emplecton 
Mais elle est en effet différente, en ce que l'Emplecton 
est tout fait de pierres brutes ; et la structure dont il 
s'agit est en partie de pierres taillées, équarries et join¬ 
tes ensemble avec du fer et du plomb, et en partie de 
pierres brutes et jetées à l'aventure. J'en ai fait un 
genre particulier de maçonnerie que j'appelle Revinctum, 
à cause qu'il est dit qu'en cette sorte de structure, cum 
ansis ferreis et plumbo frontes vinctæ sunt. On la pour¬ 
rait néanmoins ranger sous le genre d'Insertum, à cause 
de la liaison qu'elle a par le moyen des crampons de 
fer, de même que les autres liaisons se font par le 
moyen des pierres engagées et entrelacées les unes avec 
les autres.
	        
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