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VITRUVE,
même en tirer du bord de la mer (1); ce sable néanmoins a le défaut que le
mortier qui en est fait est long-tems à sécher, et que les murailles qui en
sont bâties ne peuvent pas porter une grande charge, si on ne prend la précau¬
tion de les maçonner à plusieurs reprises; mais de quelque manière que ce soit.
il ne peut servir pour faire des enduits de plafonds; il a encore cela de mauvais
qu’il fait suinter les murailles qui en sont crépies, à cause du sel qui se dissout
et qui fait tout fondre.
Mais le mortier fait avec du sable de cave se sèche promptement, et, quand
on l'emploie, les enduits des murailles et des plafonds durent long-tems, prin¬
cipalement si on le met en œuvre aussitôt qu'il a été fouillé; car si on le garde
long-tems, le soleil et la lune l'altèrent de sorte que la pluie le dissout et le
change presque tout en terre, ce qui fait qu'il ne vaut plus rien pour bien lier les
pierres, et faire des murailles qui soient fermes et capables de soutenir de grands
fardeaux. Toutefois ce sable, si nouvellement tiré de terre, n'est pas si bon pour
les enduits que pour la maçonnerie, parce qu'il est si gras, et sêche avec tant
de promptitude, qu'étant mêlé avec la chaux et la paille il fait un mortier qu'on
ne saurait empêcher de gercer. Le sable de rivière, qui est maigre au contraire,
est donc meilleur pour les enduits, et lorsque, de même que le ciment (2), il
est bien corroyé et repoussé, le mortier acquiert une grande solidité.
glarea était ce qu'on appelle en français tere-glaise,
qui est une substance grasse et composée de particule¬
fort déliées et fort subtiles, et par conséquent une chose
tout-à-fait différente de glarea, qui est proprement ce
que l'on appelle sable de ravins et gravier, qui diffère
principalement en cela du sable, que le sable est menu
et composé de petits grains, et le gravier est plus gros
et composé de petits cailloux mélés avec des fragments
de pierres. Alberti et Scamozzi tiennent que tout sable,
même celui qui est sous terre, n'est autre chose que de
petits fragments de grosses pierres qui se sont arrondis
en emoussant leurs cornes à force de s'être long-tems
frottés les uns contre les autres ; mais le sable paraît
d'une substance particulière qui est fort dissemblable de
celle des pierres, étant beaucoup plus dur et plus solide
que ne le sont les grandes pierres : joint, qu'il semble
qu'il n'y a guère d'apparence que des fragments si me¬
nus se puissent frotter assez rudement pour se polir.
comme ils sont la plupart, étaut trop légers à cause de
leur petitesse pour soutenir l'effort qu’il serait néces¬
saire qu'ils souffrissent pour cela; ce qui n'est pas aux
galets ou gros cailloux qui sont sur le bord de la mer,
qui se polissent et s'arrondissent par le frottement, d'au¬
tant qu'ils sont si pesants qu'ils ne peuvent se frotter
l'un contre l'autre que rudement.
(1) Alberti dit qu'au pays de Salerne le sable du ri¬
vage de la mer est aussi bon pour bâtir que celui de
cave, pourvu qu'il ne soit point pris sur les rivages qui
sont exposés au midi, où le sable ne vaut rien du tout.
(2) J’ai interprété signinum, du ciment, parce que Pline
dit que le signinum était fait avec des tuiles pilées et de
la chaux. Ce mortier était ainsi appelé à cause du pays
de Signins, où se prenaient les meilleurs tuileaux pour
faire le ciment. Vitruve, néanmoins, entend quelquefois
par signinum toute sorte de mortier, ainsi qu'il se voit
au dernier chapitre du 8e livre, où, en parlant d'un
mortier fait de chaux, de sable et de gros cailloux
mêlés ensemble, dont on faisait les citernes, il appelle
celte mixtion signinum.