VITRUVE,
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hommes n'excellent pas seulement par la supériorité des sens qui leur sont com-
muns avec les animaux, mais principalement par l'esprit qui les rend maîtres
de tout ce qui est dans la nature, l'industrie qu'ils ont acquise, par la nécessité
de bâtir, a servi comme de degré pour les faire parvenir à la connaissance
des autres arts, et passer d'une vie sauvage à la politesse et à la civilisation
dont la nature humaine est susceptible. C'est alors que, s'instruisant avec
courage, en s'aidant des connaissances qu'ils possédaient déjà, ils concurent
quelque chose au-dessus de ces petites cabanes dont ils s'étaient d'abord con-
tentés, et commencèrent à persectionner en élevant leurs maisons sur des son-
dements solides, avec des murailles de pierres et de briques, et en les couvrant
de bois et de tuiles. Ils réfléchirent ensuite sur les observations qu'ils avaient
faites et sur lesquelles ils étaient irrésolus dans le principe; cela les conduisit
à la fin, à la connaissance des règles certaines de la proportion; puis, après
avoir remarqué que la nature leur fournissait abondamment toutes sortes de
matériaux pour les édifices, ils ont tellement cultivé, par la pratique, cet art de
bâtir, qu'ils l'ont porté à une haute perfection, et, avec le secours des autres
arts, ils ont ajouté au nécessaire les superfluités qui font le charme de l'existence,
J'expliquerai ces choses le mieux qu'il me sera possible, et je rapporterai tout ce
que l'on peut dire sur les propriétés, la commodité et les usages des édifices.
Si quelqu'un, cependant, n'approuvait pas l'ordre dans lequel j'ai placé ce livre,
et pensait qu'il devait être le premier, je réponds qu'il n'y a point erreur de ma
part; car, ayant formé le dessein d'écrire sur toute l'architecture, j'ai cru devoir
parler premièrement des différentes connaissances qui sont nécessaires à cet art
des parties dont il est composé, et quelle est son origine; c'est ce que j'ai fait en
indiquant quelles doivent être les qualités d'un architecte. C'est pourquoi, après
avoir parle de ce qui dépend de l'art, je traite en ce second livre des différents
matériaux que la nature fournit pour la construction des édifices; je ne m'oc-
cupe plus de l'origine de l'architecture, mais seulement de celle des bâtiments
et par quelle suite de progrès ils sont parvenus à la perfection à laquelle nous
les voyons aujourd'hui.
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Pour revenir donc aux choses qui sont nécessaires à l'exécution d'un édifice
je vais raisonner sur les matériaux qu'on y emploie, et expliquer clairement par
quelle combinaison d'éléments la nature les produit, car il n'y a point de maté¬
riaux ni de corps, quels qu'ils soient, qui ne soient composés de plusieurs éléments,
et ce qui appartient à la nature ne peut être clairement expliqué en physique, si
on ne demontre avec de bonnes raisons quelles sont les causes de chaque chose.