Si l’on vouloit conſtruire une Voûte naturelle dont la largeur &
la hauteur
fuſſent données, il faut ſur une ſurface verticale tracer
une ligne CD égale à la
largeur de la Voûte, abaiſſer du milieu de
cette ligne une perpendiculaire EF,
égale à la hauteur qu’on veut
lui donner, enſuite attacher l’extrêmité d’une chaine
au point C,
& porter l’autre extrêmité vers D, de maniere qu’en augmentant
ou diminuant la
chaine ſon propre poids la faſſe paſſer par le point
F, lorſqu’elle ſera arrêtée
aux endroits C & D; après cela on pourra
avec un crayon que l’on conduira tout du long de la chaine
(ſans
pourtant la faire vaciller) tracer une courbe, & là-deſſus on pourra
établir la figure du faux ceintre de la Voûte, la coupe des
vouſſoirs,
& le reſte.
Je crois que ceux qui ſont dans l’uſage de faire conſtruire des
Voûtes, ſans y
prendre garde de ſi près, ne feront pas grand cas des
deux propoſitions
précédentes, auſſi ne les ai-je raportées que pour
les curieux qui voyent toujours
avec plaiſir ce qui peut avoir ra-
port à leur métier; cen’eſt pas qu’on n’en puiſſe faire uſage, puiſque
la premiere nous aprend que
pour rendre des Voûtes ſolides, il eſt
bon d’en fortifier les reins le plus qu’il
ſera poſſible, & particuliere-
ment vers les piés-droits, afin de donner, pour ainſi dire, un
contre-
poids à la pouſſée des vouſſoirs ſuperieurs.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux Culées des
Ponts de Maçonnerie.
41. La maniere de régler l’épaiſſeur des Culées des Ponts eſt
un Probléme qui
apartient à ce Livre-ci; car les Ponts ſont com-
poſés d’Arches, & les Arches ne ſont autre choſe que des Voûtes: auſſi ſa ſolution dépent-elle des régles que nous venons d’en-
ſeigner, ou pour
mieux dire elle n’en eſt qu’une répétition accom-
pagnée de quelque circonſtance
particuliere aux Ponts de Maçon-
nerie.
On ſupoſe qu’il eſt queſtion d’un Pont compoſé d’une ſeule Arche
en plain ceintre
comme dans la figure 6. dont l’épaiſſeur GD eſt
la derniere retraite des fondemens juſqu’à la naiſſance de
l’Arche,
& qu’il s’agit de ſçavoir l’epaiſſeur PS ou MQ, qu’il faut donner
à la Culée MS pour
qu’elle ſoit en équilibre avec la pouſſée qu’elle
doit ſoutenir. Cela poſé, on ſaura queles Culées d’un Pont peuvent
être conſtruites de deux
manieres: la premiere eſt de faire un corps
de Maçonnerie comme SZ dans la 9. figure, dont la hauteur ZP ou
BS ne ſurpaſſe point la naiſſance de l’Arche: la ſeconde eſt d’élever
la Culée
juſques vers le milieu des reins del’Arche, afin de les ren-
dre capables de mieux
ſoûtenir l’effort de la partie ſuperieure,
comme dans la figure 6. à laquelle nous nous attacherons unique-
ment comme la plus conforme à l’uſage.
Ayant diviſé le quart de cercle BD en deux également au point C,
on tirera le
rayon AF: on diviſera auſſi la ligne FC en deux égale-
ment au point L par lequel on menera
MK paralelle au diamêtre
BI qui determinera la hauteur de la Culée, on prolongera
la ligne
SB juſqu’au point Q de la circonférence, & on tirera le rayon AQ,
& les autres lignes LO, LV, & OP, comme à l’ordinaire.
Pour réduire en équation la pouſſée de l’Arche & la réſiſtance
des Culées, nous nommerons LK ou KA, a; BV, c; MP, d; Sr,
g; PS, y; la ſuperficie CFGD, nn; & la partie BQFC, hh: ainſi
MN ou ML ſera c + y; & NP ſera d - c - y; & ſi l’on ſupoſe
d - c = f, NP ſera f - y.
L’on ſait par l’Article 14. que multipliant la ſuperficie CFGD
(nn) par l’hipotenuſe NP (f - y) du triangle
rectangle NOP, lorſ-
qu’il s’agit d’une Voûte ou d’une Arche en plein ceintre, que
le pro-
duit donne une expreſſion égale à la puiſſance qui ſoutiendroit la
pouſſée de la partie CFGD, ainſi cette pouſſée ſera nnf - nny,
qu’il faut
mettre en équilibre avec la réſiſtance du pié-droit PMQS,
joint à la partie BQFS; c’eſt-à-dire avec dy & hh, multipliés par le
bras de lévier PT ({y/2}) & Pr (y + g) dont les extrêmités T & r
répondent aux lignes de directions tirées de leur centre de gravité; c’eſt-à-dire, avec {dyy/2} & hhy + hhg, qui donnent cette équation
fnn - nny = {dyy/2} + hhy + hhg, d’où
faiſant paſſer dans le même
membre les termes où ſe trouvent l’inconnu, & dans l’autre ceux
où l’inconnu ne ſe trouve point, l’on aura après avoir diviſé
par d,
{fnn + ghh/d} = {yy/2} + {nny + hhy/d}, & ſi l’on ſupoſe {nn + hh/d} = p, &
par 2, on pourra du
ſecond membre en faire un quarré parfait en
ajoûtant pp de part & d’autre afin d’avoir {2fnn + 2ghh/d} + pp = yy
+ 2py + pp, dont extrayant la
racine & dégageant l’inconnu, l’on
aura enfin √2fnn - 2ghh + pp\x{0020} - p = y, qui donne
ce que l’on
cherche.
Pour avoir la valeur de l’inconnu, nous ſupoſerons le diamêtre
BI de 72 pieds,
l’épaiſſeur DG de 6, & la hauteur BS de 12, ainſi
la ligne AL ſera de 15, & l’on trouvera que BV (c) eſt de 8 pieds
5 pouces, & LV de 27 pieds 7 pouces, par conſéquent MP (d) ſera
de 29 pieds 7 pouces: & comme nous avons ſupoſé d - c = f,
f ſera donc de 31 pieds 2 pouces; on trouvera auſſi que la partie
CFGD (nn) eſt de 184 pieds quarrés.
Comme nous avons auſſi beſoin de la figure BQFC, remarquez
que la ligne BQ eſt
moyenne proportionnelle entre les parties EB
& BH, du diamêtre EH; ainſi multipliantleur valeur, c’eſt-à-dire,
6 pieds par 78, on trouvera en
extrayant la racine quarrée du pro-
duit 21 pieds 6 pouces 6 lignes, pour la
perpendiculaire BQ, par
le moyen de laquelle on aura la ſuperficie du triangle ABQ,
qui
eſt de 389 pieds 3 pouces; or cherchant auſſi la valeur du ſecteur
EAQ qui eſt de 477 pieds 3 pouces, on en
retranchera celle du
triangle ABQ, la difference ſera 88 pieds, pour le ſecment
EBQ,
qui étant auſſi retranché de 184 pieds, valeur de EFCB, la differen-
ce
ſera 96 pieds pour la partie BQFC, par conſéquent la valeur de hh. D’un autre côté le centre de gravité de cette partie étant au point X,
l’on verra
que la perpendiculaire Xr, vient tomber environ à 2
pieds 9 pouces du point S,
enfin comme nous avons ſupoſé {nn + hh/d}
= p, l’on trouvera que p vaut à peu-près
7 pieds 1 pouce, ainſi
comme toutes les lettres du premier membre de l’équation
√{2fnn/d} - {2ghh/d} + pp\x{0020} - p = y, viennent d’être déterminées en
nombre, ſi l’on fait les mêmes opérations qui s’y trouvent indiquées,
l’on
trouvera que y, ou ſi l’on veut l’épaiſſeur PS de la Culée, doit
être de 11 pieds
pour ſoûtenir en équilibre la pouſſée de la partie de
l’Arche qui lui répond.