VITRUVE. LIV. II.
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pernas, est d'une si mauvaise qualité, quand celui qu'on
nomme infernas est, par sa durée, d'une si grande uti-
lité pour les édifices. Et, à ce sujet, je vais expliquer
comment les différentes propriétés des lieux semblent
communiquer aux arbres leurs défauts ou leurs qualités,
afin que ceux qui étudient la matière, la trouvent tout
aplanie.
X. Du sapin supernas et de l'infernas, avec la description de l'Apennin.
L'Apennin commence à la mer Tyrrhénienne, et s'é¬
tend jusqu'aux Alpes et jusqu’à l’extrémité de l’Etrurie.
Les sommets de ce mont décrivant un demi-cercle, et
touchant presque par le milieu de leur courbure le ri¬
vage de la mer Adriatique, s'étendent dans leur circuit
jusqu'au détroit. La partie citérieure de leur courbure
qui regarde l'Etrurie et la Campanie, est exposée à toute
l'ardeur du soleil, qui, depuis son lever jusqu'à son cou-
cher, y darde ses rayons brûlants. Sa partie ultérieure
qui descend vers la mer Supérieure, et qui est tournée
vers le septentrion, est partout couverte de bois som¬
bres et touffus. Les arbres qui y poussent, nourris de
principes humides, atteignent à une hauteur immense,
et leurs veines remplies d’une humidité abondante, s’en¬
flent et se gonflent; mais quand, après avoir été coupés
et équarris, ils ont perdu leur faculté végétative, si leurs
veines sont restées dans cet état d’engorgement, et qu'en
séchant elles ne se soient point resserrées, leur substance
devient lâche et spongieuse, et incapable de durer long
temps dans les édifices où elle est employée.
Ceux, au contraire, qui naissent dans les lieux tournes
vers la ligne que suit le soleil, dans sa marche, n'ayant
point de vides dans leurs tissus, se raffermissent en sé¬
chant, parce que le soleil, qui pompe l'humidité de la