L'ARCHITECTURE DE VITRUVE.
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sister à rétrancher des parties ; car simplifier un objet, n'est autre chose que de trouver le, moyen
de le présenter tout entier sous une forme moins compliquée.
Qufun architecte se garde donc d'imiter ces entablemens, qui ne sont pas en ligne droite ; mas
découpés en formant des angles et resauts qui s'avangent sur les colonnes, se retirent dans les
entre-colonnemens, et nous offrent une foule d'angles rentrants et saillants: tels sont, la plupart des
issig
frontispices de nos églises et les retablés d'autels.
Si quelques monumens de, l'ancienne Rome ont ce défaut, c'est que, quand les Komains ont comnu
les beaux-arts, ils se sentoient de la corruption où ils étoient déjà tombés chez les Grecs,
Les plans des templés, des théâtres, et des autres édifices qui ont été inventés dans les beaux
jours de la Grèce, sont toujours faciles ; toutes les parties qui les composent, semblent se présenter
d’elles-mêmes, telles qu’elles sont ; tant la combinaison de leur arrangement est aisée à saisir; et
celte facilité découle le plus souvent de la simpheité, au point qu'on pourroit prendre l'un de ces
deux termes pour l'autre.
Quoique les plans de ces divers édifices offisent toujours la forme la plus convenable , à l'usage
auquel ils étoient déstinés ; ils étoient méthodiques ; c'est-à-diré , conformes aux régles de l'art :
règles qui avoient été trouvées par les Egyptiens, et que les Grecs suivirent, en cherchant à s'attri¬
buer la gloire de leur invention. La plupart de ces règles sont fondées sur le bon sens et la rar¬
son, c’est-à-dire sur la nature des choses , aussi - bien que sur une longue expériencé , ainsi que
nous le verrons ailleurs.
Ceci amène deux observations; l'une que si l'architecte a dessein de plaire aux connoisseurs, il ne
doit pas blesser leur amour-propre, en contrariant, sans aucun ménagement, les idées qu'ils ont adop¬
tées et érigées en précepte; la seconde qu'il seroit bien étonnant que des règles qui ont pour elles
l'autorité de tous les grands hommes qui nous ont précédés dans la même carrière, et depuis tant
de siècles , ne fussent pas les plus avantageuses et les plus sages à suivre. Il est difficile de croire
qu'une méthode ainsi établie ne soit pas au sond la meilleure ; et si elle ne l'étoit pas, il n'y auroit
guère moins de mal-adressé et de témérité à la négliger, sur-tout dans les cas ordinaires, et sans de
grandes précautions, puisqu'il est vrai qu'en général le temps et l'usage donnent enfin à une prati¬
que, quelle qu’elle soit, une forme presqu'égale à la nature. Pour être autorisé à s'écarter d'une
méthode généralement adoptée et suivie, il faudroit pouvoir y en substituer une autre qui fût es¬
sentiellement et évidemment plus parfaite ; mais depuis le siècle de Périclès, où sont les hommes
privilégiés à qui ce talent créateur est réservé?
Un grand avantage que l'architecture a sur les autres arts, et qui offre une grande facilité aux ar¬
tistes , c'est que toutes les règles qui établissent et font régner les diverses qualités qui contribuent
à la beauté de ses ouvrages, ont toutes été trouvées et sont établies par des principes immuables
l'architecte n'a plus qu'à les étudier et les appliquer aux divers bâtimens qu'il veut construire. La plu¬
part de ces qualités sont aussi nécessaires dans les productions des autres arts ; mais aucune règle
certaine ne dirige l'artiste ; son génie seul peut les découvrir et en faire l'application. Il n'en est pas
de même pour l'architecture : les règles les plus précises établissent, dans les formes et les grandeurs,