L'ARCHITECTURE DE VITRUVE.
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les voyageurs (1); on trouvera dans leurs livres le moyen de s'en servir par tout;
pourvu qu’on sache tracer les analêmes. Nous devons encore à ces auteurs, lart
de faire des horloges avec l'eau; on doit leur invention à Ctesibius d'Alexandrie,
qui a fait aussi beaucoup de découvertes sur la nature des vents, et sur tout ce qui
concerne la pneumatique. (2) Ceux qui cultivent les sciences seront curieux, je crois,
de savoir comme il a découvert toutes ces inventions.
Cesibius naquit à Alexandrie où son père étoit barbier; il étoit doué d'un esprit
ingénieux et rempli d'industrie , il excelloit sur tout dans l'art des Mécaniques, pour
lequel il avoit beaucoup de goût. Voulant un jour pendre un miroir dans la boutique
de son père, de manière qu'on pût aisément le hausser et le baisser, par le moyen
dune corde cachée, voici comme il exécuta cette machine; il plaça un tuyau de
bois sous la poutre où il avoit attaché des poulies, sur lesquelles passoit la corde
en faisant un angle pour descendre dans ce bois, qu'il avoit creusé de manière
qu'une boule de plomb pût y couler. Il arriva que cette boule, en allant et venant
dans cet étroit canal, fit sortir, par la violence de son mouvement, l'air enfermé
et épaissi par la compression, et le poussant contre l'air de dehors, cette rencontre
et ce choc rendoient un son très-éclatant. Sétant donc aperçu que l'air resserré et
poussé avec véhémence produisoit du vent et un son semblable à celui de la voix,
il fut le premier qui sur ce principe, inventa les machines hydrauliques; les automa
tes qui jouent par l'impulsion des eaux renfermées ; les machines où l'on emploie
des leviers et des roues (3), et plusieurs autres inventions très-agréables, parmi les¬
quelles on distingue les horloges qui ont l'eau pour moleur (4); voulant assurer da
sujettes à deux inconvénients : le premier, comme l'a
(1) Sans doute l'anneau astronomique.
remarqué Plutarque , c'est que l'eau s'écouloit avec plu¬
(2) Du grec zvsöta, air, vent ; science qui a pour
ou moins de difficulté , selon que l'air étoit plus ou
objet les propriétés de l'air.
moins épais ou plus froid ou plus chaud, ce qui fai¬
(3) Il parle amplement de ces deux principes dans
soit que les heures n'étoient pas justes. L'autre que
le huitième chapitre du dixième livre.
quand le vaisseau d'où l'eau tomboit étoit plein, l'eau
() On appeloit ces horloges des Clepsydres. Il est
s'écouloit plus vîte au commencement que vers la fin
étonnant que Vitruve, qui affecte, par tout, de citei
à cause que la masse d'eau et par-conséquent sa pésan¬
des mots Grecs, pour signifier des choses qui avoient
teur étoit plus grande quand il étoit rempli que quand
leurs noms en latin, emploie jci une circonlocution
il étoit presque vide. Pour remédier à cet inconvé¬
latine, au lieu de se servir du mot grec Clepsydre ;
nient , Oronce inventa la Clepsydre qui est formée
qui étoit très en usage parmi les Romains. Ces hor¬
d'une petite nacelle qui nage sur l'eau, et qui la vide
loges , dont il y avoit plusieurs espèces, comme on
par un Siphon placé au milieu de la nacelle. Par ce
le voit dans ce chapitre, avoient toutes cela de commun,
moyen , la nacelle baisse à mesure que l'eau se vide
que l'eau tomboit insensiblement par un petit trou d'un
par le siphon qui la fait sortir toujours également
vaisseau dans un autre, où en s'élevant peu-à-peu,
parcequ'il ne cesse de la prendre près de sa superficie.
elle faisoit monter un vase vide qui surnageoit par¬
Nous avons substitué aux Clepsydres des anciens, nos
dessus, et au moyen d'une règle attachée, indiquait
horloges de sable.
les heures de différentes manières. Elles étoient toutes