INTRODUCTION, LIVRE VII.
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et que le roi indécis, ne savoit encore que penser , Aristophane fit apporter, de
diverses armoires, plusieurs livres, dans lesquels il se souvenoit d'avoir lu ce qu'on
venoit de réciter, et l'ayant montré dans ces livres , il obligea ces poètes d'avouer
leurs larcins. Alors le roi leur fit faire leur procès, et on les condamna comme des
voleurs. Pour Aristophane , il le combla de présens magnisiques , et lui conféra
l'intendance de sa bibliothèque.
Quelques années après, Zoite, qui se faisoit appeler le fléau d'Homère, vint de
Macédoine à Alexandrie, et présenta, au roi , les livres qu'il avoit composés contre
l'lliade et l'Odyssée. Ptolomée, indigné de ce qu'on attaquoit si insolemment le père
des poêtes, et que l'on maltraitoit ainsi, après sa mort, celui, que tous les gens
de lettres reconnoissoient pour leur maître, celui dont les écrits faisoient l'admi¬
ration de l'univers, se retira en colère, et ne lui fit aucune réponse. Zoile avant
attendu très long-temps dans le royaume, se sentant à la fin pressé par la misère
fit supplier le roi de vouloir lui faire donner quelque chose; on rapporte que le roi
lui fit répondre : que puisqu'Homère, qui étoit mort depuis mille ans, avoit nourri
plusieurs milliers de personnes; à plus forte raison, Zoile devoit bien avoir l'industrie
non seulement de se nourrir lui-même, mais plusieurs autres encore, lui qui pré
tendoit le surpasser en talent. On raconte diversement sa mort ; les uns disent que
Ptolomée le fit mourir en croix ; d'autres qu'il fut lapidé ; d'autres qu'il fut brûlé
vif à Smirne ; et tous s'accordent à dire qu'il fut puni comme parricide. Quelle que
soit la peine qu'on lui ait fait subir , il méritoit ce châtiment ; certes il en étoit
bien digne celui qui s'avisa de critiquer un auteur , qui ne pouvoit plus se faire
entendre, ni expliquer le véritable sens des pensées répandues dans ses écrits.
Quant à moi , ô César, quoique je publie cet ouvrage sous mon nom, je ne
cherche pas à cacher, où j'ai pris une partie de ce qu'il contient, ni à critiquer les
inventions des autres pour faire valoir les miennes. Au contraire, j'ai la plus grande
reconnoissance pour tous les écrivains qui, dans les différens âges , ont employé
leurs talens et leurs soins à recueillir ce qu'on avoit composé dans le genre de lit¬
térature qu'ils cultivoient. Ce sont comme des sources abondantes dans lesquelles nous
pouvons aller puiser , et profitant du travail des autres , il nous est plus aisé de
composer de nouveaux ouvrages. J'avoue franchement qu'ils m'ont ouvert la route
et facilité l'exécution du plan que j'avois formé, ayant trouvé une infinité de choses
toutes préparées.
L'un des premiers c'est Agatharque qui faisoit les décorations pour le théâtre d'Athènes,
lorsqu'Eschyle y faisoit connoître la bonne tragédie. Il composa le premier traité
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