L'ARCHITECTURE DE VITRUVE.
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On les trouve entre autres, avec leur explication, dans l'excellent dictionnaire des sciences et des
arts, que M. Lunier a fait imprimer en 1805 ; mais l'auteur, employant ici ce mot pour désigner
une salle à manger, tandis qu’il l’emploie ailleurs ponr désigner la table et les trois lits sur lesquels
étoient placés les convives, j’ai cru devoir le rendre par salle à manger, pour éviter toute ambiguité
Le mot triclinium est composé des mots grecs roste trois, et «àv lit ; parce que les Grecs et les
Romains avoient coutume de s’asseoir ou plutôt de s’étendre sur des lits pour manger, et qu'il y en
avoit ordinairement trois autour de la table. On mettoit, sur les lits, des matelats plus ou moins pré¬
cieux, suivant la richesse du mattre de la maison. Il y avoit, sur chaque lit, trois convives et rarement
quatre (1) : il n’étoit pas honnête d’y en admettre davantage (2) : ils avoient la partie supérieure
du corps appuyée sur le coude (3), et le reste étendu ; de manière que le premier convive avoit
les pieds derrière le dos du second, et que la tête de celui-ci étoit vis-à-vis le milieu du corps
du premier , avec un coussin entre deux : les autres convives étoient rangés de même.
Aux pieds des lits étoient assis ceux qu'on appeloit les parasites (4), les amis familiers et sans
conséquence (5) , et les enfans (6).
Quoique Vitruve , comme nous venons de l'obseryer, se serve ici du mot triclinium, pour
désigner la salle à manger, on voit, d’après ce qui précède, que ce mot signifioit proprement
la table, avec les trois lits, sur lesquels les convives étoient assis ou plutôt couchés. Vitruve l'a
entendu dans ce sens au dixième chapitre de ce livre, où, en parlant des grandes salles à mangel
des Grecs, il ne les appelle point triclinia mais œcos (7) ; il dit qu'elles étoient si grandes, qu'elles
pouvoient contenir quatre triclines, quatuor triclinia ; mais ici, dans ce cinquième chapitre, on
ne peut pas douter que Vitruve n'ait entendu par triclinium la salle même où on dressoit une
table à trois lits.
Outre les proportions des salles à manger ou triclines, Vitruve nous donne encore, dans ce cha¬
pitre, celles des pinacotées, qui correspondent à nos galeries de tableaux, des exèdres ou salle
de conversations, et des deux espèces d'œcus que j’ai rendu par le mot salon.
Perrault a cru que Vitruve distinguoit jusqu'à trois espèces d'æcus , c'est-à-dire le corinthien, le
tétrastyle et l’égyptien ; s’il avoit cependant bien réfléchi sur les paroles du texte, il auroit bien
vu qu’il n’en distinguoit que deux. Eci corinthii, tetrastylique, quique œgyptii vocantur : d'apres
ces expressions, il faut que les salons tétrastyles soient la même chose que les salons corinthiens
ou la même chose que les égyptiens. Barbaro étoit du premier avis, et Galiani, avec bien plus de
raison , étoit du second ; puisqu'un peu après on voit, dans le texte, la différence qu'il y avoit
entre les salons corinthiens et les égyptiens, et il ne fait plus aucune mention des tétrastyles : ce
qui prouve que ce salon étoit la même chose qu'un des deux autres.
(5) Plaut. stich., Act. III, Sce. 6.
(1) Virgile AEneid. L. I. V. 699.
(6) Suet. vita Terentii.
(2) Hor. lib. I. Sat. 14. v. 86.
(7) On les appeloient æcos, c'est-à-dire des maisons, et cela à
(3) Cicer. in Pis. C. 27.
cause de leur grandeur.
(4) Horat. sat. 2 lib. II. Sat. 8, Ep. 1, V. 28.