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ULIVRE VCIAP VIII
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La principale différence qu'il y avoit dans la distribution des théâtres grecs, et ceux des Launs
c'est que la scène ou proscenium de ces derniers étoit bien plus étendue qu'elle ne l'étoit dans
les premiers ; et qu'en revanche l'orchestre occupoit un plus petit espace; parce que, dans les théâtres
latins, c'étoit en grande partie aux dépens de l'orchestre que le proscenium s'avançoit aussi fort.
Nous avons vu que l'orchestre tiroit son nom du mot grec sexéouzt qui signifie sauter, parcé que
chez les Grecs, c'étoit là que s'exécutoient les danses, que se tenoit le chœur, et les autres acces
soires du drame. Le proscenium qui, comme on peut le voir sur le plan, étoit très-étroit dans
leurs théâtres, étoit réservé pour les acteurs qui récitoient. Il paroît même qu'en avant du proscenium
dans le milieu, il y avoit une tribune qui * s'avançoit vers le milieu (a) de l'orchestre qui s'appe¬
loit le thymélé, destinée particulièrement à placer l'acteur au moment où il récitoit son rôle; étant
ainsi placé en avant de la scène, presqu'au milieu des spectateurs, il en étoit bien plus aisément
entendu. Vitruve nous parle bien de certains acteurs, qui, chez les Grecs, s'appeloient les thymé-
léens ; mais il ne nous dit rien de l'espèce de tribune qui s'appeloit le thymélé. On peut en voir
le dessin dans le plan du théâtre que M. l'abbé Barthélemy a joint au voyage du jeune Anacharsis.
Le pupitre, c'est-à-dire la scène, étoit beaucoup plus élevée chez les Grecs que chez les Romains
parce que chez les premiers il n'y avoit point de spectateurs dans l'orchestre ; ainsi les Grecs éle¬
voient leur scène jusqu'à douze pieds, tandis que l'orchestre des théâtres romains étant occupé par
les personnages les plus respectables qui se trouvoient au spectacle, ils n'élevoient pas leur scène
au-delà de cinq pieds, pour que tous ceux qui étoient dans l'orchestre pussent voir tout ce qui
se passoit sur la scène.
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Nous venons d'observer , d'après les règles qu'Aristote rapporte dans sa poêtique , et d'après
l'exemple des meilleurs poëtes grecs, qu'ils plaçoient toujours la scène dans un lieu public ; la tra¬
gédie , sur-tout , étant la représentation d'une action publique et visible , qui se passe entre des
personnages illustres, et de la plus grande élévation ; il n'est ni vraisemblable, ni possible, que
cette action se passe en public, sans qu'il y ait beaucoup de gens, autres que les acteurs, qui y
soient intéressés , et dont la fortune dépende de celle des premiers personnages. Aussi toutes les
tragédies des poëtes grecs sont-elles toujours accompagnées d'un chœur composé de différens ordres
de citoyens, soit de prêtres, de vierges , d'enfans, etc. Ils étoient censés être le public présent
et intéressé à l'action. C'étoit au chœur que les acteurs s'adressoient lorsqu'ils paroissojent interroger
le public : c'étoit le chœur qui leur répondoit , et se trouvant placés, comme nous le diron¬
tout-à-l'heure , dans l'orchestre au milieu des spectateurs , ceux-ci se trouvoient, pour ainsi dire
ne laire qu'un avec lui ; ils s'identifioient bien davantage avec la scène qui étoit représentée. Le
chœeur se plaçoit dans l'orchestre , dès le commencement de la pièce, et y restoit insqu'à la fin.
Il en faisoit tellement partie que , sans le chœur , il n'y auroit plus eu de tragédie. Sa principale
lonction étoit de marquer, par ses chants, les intervalles des actes, pendant que les acteurs, que
la nécessité de l'action avoit fait sortir de la scène, étoient absens. Un autre motif rendoit le chœur
encore plus nécessaire au théâtre des Grecs ; on sait que les jeux et les spectacles tenoient chez
eux intimement à la religion. On donnoit les spectacles les jours des fêtes qu'on célébroit en l'hon¬
* Planche XVII.me
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