CHAP. VI.
VITRUVE
CHAP. V. corps si dur & si solide, il faut considerer que les Pierres de mesme que toutes les autres A
choses, sont composées des Elemens, & que ce qui a plus d'air, est plus tendre, ce qui
plus d'eau, est plus tenace, ce qui a plus de terre, est plus dur, & ce qui a plus de feu, est
plus fragile. Il faut encore remarquer que si on piloit ces Pierres dont on fait la Chaux sans
estre cuites, & qu'on meslast cette poudre avec du Sable, on n'en pourroit jamais rien
faire de propre à lier de la Maçonnerie: Mais que si l'on cuit tellement les Pierres que par
la force du feu elles perdent leur premiere solidité, elles deviennent poreuses & percées de
plusieurs ouvertures, ensorte que leur humidité naturelle estant épuisée, & l'air qu'elles
contenoient se retirant pour n'y laisser? qu'une chaleur cachée; il est aisé de concevoir,
que lorsqu'elles viennent à estre plongées dans l'eau avant que cette chaleur soit dissipée,
elles doivent acquerir une nouvelle force & s'échauffer par le moyen de l'humidité qui pe
netre leurs cavitez, & qui en les refroidissant pousse dehors la chaleur qu'elles enfermoient: B
c'est ce qui fait que les Pierres à Chaux ne sont pas de mesme poids quand on les tire du
fourneau, qu'elles estoient quand on les y a mises, & que si on les pese aprés qu'elles sont
cuites, on les trouvera diminuées de la troisième partie de leur poids, quoiqu'elles avent
conservé leur premiere grandeur. Ainsi les ouvertures qu'elles ont en toutes leurs parties,
sont cause qu'elles s'attachent avec le sable quand on les messe ensemble, & qu'en se se¬
chant, elles joignent & lient fermement les pierres pour faire une masse fort solide.
2. UNE CHALEUR CACHEE. Il y a grande apparence
n'est point aussi un corps, mais un certain mouvement des
Vitruve n'entend point par cette chaleur cachée, la dis¬
particules du corps qui s'enflâme; de mesme que la fusion
position que les corps peuvent avoir à s'eschauffer, do
de la glace n'est point un corps, mais un certain mouve
il a esté parlé dans la note precedente, mais une chaleur q
ment des particules de la glace qui se fond. Je ne voy point
procede d'une substance etherée qui entre dans la compo-
non plus qu'il soit necessaire de supposer cette substance
sition de tous les corps, & que l'on appelle communément
etherée pour donner le mouvement & la tenuité ou sub¬C
l'Element du feu; comme si le feu estoit autre chose que la mo¬
tilité qui se trouvent dans les particules des corps enflâ-
dification des corps enflamez, de mesme que le mouvement
mez, puisqu'il est aisé de concevoir que ces qualitez qui
eur, la figure, sont la modification des corps qui chan¬
sont dans les corps enflâmez peuvent leur estre communi¬
gent de place, ou qui reflechissent la lumiere, ou qui sont di¬
quées par les autres corps qui les allument; & que le pre
nent terminez dans leurs differentes parties. Car quelle
mier principe de l'inflammation qui dépend du choc de deux
necessité de supposer une chose aussi peu intelligible qu'est
corps solides, ne provient point necessairement d'une sub
ce que l'on dit sur ce sujet? Sçavoir qu'il y a des corpuscu-
stance etherée ; la soudaineté du mouvement y estant in-
les etherez ou ignez , cachez dans tous les autres cor
troduite par le choc des corps qui suppose un mouvemen
qui n'agissent pour brusser que lorsqu'estant joints ei
tout-à-fait indépendant de celuy de la substance etherée, tel
lemble, ils sont assez forts pour produire cette action
qu'est celuy de la main ou du ressort qui fait que le caillou
que le choc qui enflame les corps produit cette jonctio
& le feu se choquent; & la subtilité que les corps enflammez
des corpuscules etherez, & qu'un corps enflâmé en allume
reçoivent dans leurs particules n'en dépendant point auf
un autre, parce qu'il procure cette jonction des corpuscules
par la raison que le choc est capable de froisser les cort
ignez du corps qu'il allume. Du moins il me semble qu
jusqu'à faire la separation des particules les unes des autre
les mesmes suppositions devroient estre faites avec autan
telles qu'il est necessaire pour les rendre tres-subtiles: de
de necessité dans la pluspart des autres modifications des
maniere qu'estant ainsi renduës subtiles, & agitées d'un mou¬D
corps, & qu'on devroit dire que le cours de l'air dans le vent
vement tres-violent , elles deviennent capables de s'in-
doit estre attribué à des parties venteuses cachées dans l'air
sinuer entre les particules des corps plus voisins, & les di¬
qui le laissent en repos pendant qu'elles y sont dispersées, &
visant de mesme qu'elles ont esté divisées, les mettre aussi
qui l'agitent lorsqu'elles sont reunies: Et enfin que si le vent
en estat de diviser les particules d'un autre corps: & c'est
n'est point un corps, mais le mouvement d'un corps; le feu
ce qui fait que le feu peut agir à l'infiny.
CHAPITRE VI.
De la Pozzolâne, & comme il s'en faut servir.
Ly a une espece de poudre à laquelle la nature a donné une vertu admirable: elle se trou¬
ve au pais de Bayes & dans les terres qui sont autour du mont Vesuve. Cette poudre
mellée avec la Chaux ! & les Pierres rend la Magonnerie tellement ferme, que non seule¬
ment dans les Édifices ordinaires, mais mesme au fond de la mer, elle fait corps & s'en¬
durcit merveilleusement. Ceux qui ont cherché la raison pourquoy cela se fait ainsi, ont
remarque que sous ces montagnes & dans tout le territoire il y a quantité de fontaines
I. ET LES PIERRES. J. Martin s'est trompé quand il
auroit quelque raison de croire que Vitruve en a voulu ic
crù que Caementum signifioit icy du ciment, qui est propre
parler, quand il fait un mélange de Pozzolane, de Chaux
ment une poudre de Tuilaux battus, ou generalement toute
& de Camentum. Car il a dit au chapitre precedent que le
sorte de mortier, ainsi que l'a entendu l'Auteur de la tradu¬
rtier de Chaux & de Sable est meilleur, si on y messe
ction latine de la Bible qu'on appelle la Vulgate, qui
Ique peu de Tuileaux battus.
que ceux qui bâtirent la ville de Babylone, se servirent
2. DANS TOUT LE TERRITOIRE. J'ay suivy la cor¬
Bitume pro caemento. La verité est neanmoins que s'il y avoi
rection de quelques Exemplaires, où il y a, quod sub his mon¬
quelque exemple qui fist voir que du temps de Vitruve on
tibus & terra, au lieu de & terra, ainsi qu'il se lit dans tous
eust ainsi appellé les Tuileaux pilez, il sembleroit qu'il y
les autres.