LIVRE II.
A'on bastit en cette maniere. Aprés avoir couché des arbres; tout de leur long sur terre à CHAP. I.
droit & à gauche, laissant autant d'espace entre d'eux, que les arbres sont longs, ils posent
sur leurs extremitez d'autres arbres en travers; de maniere qu'ils enferment tout l'espace
* destiné pour l'habitation: ensuite ils posent des quatre costez d'autres arbres; qui por-
tent les uns sur les autres au droit des coins, & ainsi les mettant à plomb de ceux d'embas,
ils élevent les murailles de leurs tours, les intervalles d'entre les arbres qui répondent à leur
espaisseur estant remplis avec des échalas & de la terre grasse. Pour faire le toict ils accour¬
* cissent les arbres vers les coins, & les retirent insensiblement & 4 par degrez des quatre
« costez vers le milieu en pyramide; ce qui fait un toict en croupe d'une maniere rusti¬
que & à leur mode.
Les Phrygiens qui habitent en des campagnes où il n'y a point de forests qui leur four¬
Bnissent du bois pour bastir, creusent de petits tertres naturellement élevez où ils font des
chemins creux pour entrer dans l'espace qu'ils ont vuidè, & qu'ils font aussi grand que le
lieu le permet; sur les bords de ce creux ils mettent plusieurs perches liées par le haut en
pointe, qu'ils couyrent avec des cannes & du chaume; & sur cela ils amassent de la terre en
monceaux, rendant leurs habitations chaudes en Hyver, & fraiches en Este.
En d'autres pais on couvre les cabanes avec des herbes prises dans les Estangs, & ainsi
en differens lieux on bastit diversement. AMarseille au lieu de tuile les maisons sont cou¬
vertes de terre grasse paistrie avec de la paille: A Athenes on monstre encore comme une
chose curieuse pour son antiquité les toicts de l'Areopage faits de terre grasse; & dans le
Temple du Capitole, la cabane de Romulus couverte de chaume, fait voir cette ancienne
maniere de bastir. Toutes ces observations font assez juger quels estoient les bastimens des
CAnciens: Mais comme de jour en jour à force de travailler aux Bastimens les mains se sont
rendues plus habiles, & les esprits sont devenus aussi plus éclairez par l'exercice, ceux qui
se sont addonnez à ces choses, en ont fait une profession particuliere, & de là comme les
hommes n'excellent pas seulement dans la subtilitem des sens qui leur sont communs avec les
animaux, mais principalement dans celle de l'esprit qui les rend maistres de tout, il est arri¬
vé que l'industrie qu'ils se sont acquise parla necessité de bastir, a servy comme de degre
3. QuI PORTENT LESUNS SUR LES AUTRES AU
dent par perpetuis, durables, les autres entiers & non è
DROIT DES COINS. Je traduits ainsi jugumentare angulos
quarris, les autres rangez. Les uns par planis entendent
car jugumentare est mis pour jugare qui signifie mettre une
couchez, les autres applanis; in terra positis signife selon
perche en travers qui pose des deux bouts sur deux pieux
les uns fichez, selon les autres couchex en terre, & jugumen¬
ainsi que les anciens en mettoient à leurs vignes. Ils appel
tare, qui est faire qu'une chose pose en travers sur deux au¬
loient aussi jugumenta les linteaux des portes & des fenestres
tres, de mesme qu'un joug est sur deux Boeufs, n'est pas en¬
par la mesme raison.
Dtendu par tous les Interpretes d'une iresme manierc.
4. PAR DEGRIZ. La maniere d'arranger des pieces de
La faute que je soupconne dans le texte, consiste en la
bois comme pouf faire un bucher, convient fort bien au¬
transposition du poinct que tous les exemplaires ont après
toicts, les posant alternativement les uns sur les autres, &
collocantur, qui estant mis devant, rendra ce qui manque
les tirant en dedans à mesure qu'on les accourcit pour leu
à la construction du discour
faire avoir la forme de degrez, mais cette maniere ne scau¬
Le mot de perpetuus signifie
2. TOUT DE LEUR LO
roit estre si propre pour les Murs: parce qu'on n'y peut
une chose qui a une étenduë continuée ou loin ou long-
faire de portes ni de fenestres commodement, à cause de
temps d'une mesme maniere, ensorte qu'icy des arbres per¬
la situation des pieces de bois qui sont en travers. Cela
petuels, sont des arbres qui continuent & s'étendent par un
m'avoit obligé dans la premiere Edition de donner une au
long espace. Vitruve appelle ainsi perpetuam Basilicam au
tre disposition à ces arbres. Mais par ce qu'il falloit pou
cela un peu trop forcer le texte de Vitruve, jay cru qu
l'explication que je luy donne icy seroit meilleure & plus
tout orele de penan lapdem crasitadinen les pierr
naturelle.
vont d'un parement du Mur à l'autre avec une mesme
s. UN TOICT EN CROUPE. Il y a deux sortes de
seur. Cesar dit aussi trabes perpetuas, dans la description
toicts, l'un est appellé Displuviatum, lorsque le Faistag
qu'il fait des Murs des Villes des Gaulois, pour signifier des
allant d'un pignon à l'autre, l'eau est jettée à droit &
Poutres qui vont d'un parement à l'autre.
gauche. L'autre est Testudinatum, par le moy
duquel l'eau tombe des quatre costez. Sextus Pom¬
peius apelle tecta testudinata ceux qui sont in qu¬
tuor par es devexa qu'il oppose à ceux qu'il apel
pectinata, qui sont les disptuv ata de Vitruve.
sont apellez pectinata peut-estre, parce que
cheyrons qui descendent du faistage sur l'entable
ment, ont la forme d'un peigne. Ce qui pourro
faire croire que nostre mot de pignon viendroit du
pectinatum tectum des Latins parce qu'il sountient
ces especes de pegines. Le Displuviatum est marque
ABCDE, ABC est le Pignon, ACDE sont les
cheyrons qui representent ce Peigne. FGH est le
— Testudinatum que nous apellons toict en croupe,