VITRUVE;
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ont résisté au temps, d'abord dans toute l'Italie, et quelques-uns en France et en Espagne,
Les deux aquéducs que j'ai cités les premiers existaient avant Vitruve, et ceux qui examine¬
ront ces anciens monuments reconnaîtront qu'ils ont été construits et dirigés d'après les règles
que Vitruve a développées.
L'aquéduc qui amenait l'eau dans la piscine merveilleuse, au cap Misène, traverse plusieurs
montagnes qu'on a dû percer ; cet aquéduc a vingt milles de long : il amenait l'eau dans cette
piscine, qui servait de réservoir d'eau douce pour la flotte romaine. On voit qu'il a été dirigé
d'après les principes que Vitruve rapporte dans ce chapitre; il ne sert plus présentement et se
trouve détruit en partie ; mais dans plusieurs endroits, entre autres lorsqu'il forme des souter¬
rains au travers des montagnes, ces parties sont intactes. Il a quatre pieds de haut sur deux et
demi de large; les parois intérieures des murs sont en opus reticulatum. La piscine elle-même
est un des monuments les plus admirables et des mieux conservés que nous ont laissés les Ró¬
mains : c'est un grand édifice carré, long d'environ cent quatre-vingts pieds sur cent vingt¬
huit de largeur, porté par quarante-huit pilastres placés sur quatre lignes ; il est construit dans
l'intérieur de la montagne qu'on a creusée à cet effet.
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Dans le chapitre re du le livre, Vitruve, voulant montrer que l'architecte doit connaître la
philosophie, ou, pour mieux dire, la physique, dit que sans son secours il ne pourrait obvier à
l'effort des vents qui s'engendrent dans l'eau lorsqu'elle est enfermée. C'est pour faciliter l'é¬
chappée de ces vents qu'il veut qu'on fasse de cent vingt pieds en cent vingt pieds des soupi-
raux ; il appelle ces soupiraux des puits, puteos, quand ils sont enfoncés dans la terre jusqu'à
l'aquéduc, qui est formé par une voûte souterraine ; et un peu après, quand il dit que l'aquéduc
doit être porté sur des arcades, il appelle ces soupiraux des colonnes, columnaria, parce qu'en
effet ils ressemblent à des colonnes. Voyez planches LXXVI et LXXVII, figure 8.
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Les anciens employaient, de même que nous, des tuyaux de plomb ou de poterie pour con¬
duire les eaux ; et ils indiquaient, dit Vitruve, les divers calibres des tuyaux par le nombre de
do'gts que contenait la largeur de la lame de plomb avant d'être tournée pour former un tube.
Cependant nous lisons dans Frontin, articles 24 et 25, que le doigt était la quantité qui ser¬
vait à régler la proportion qui se trouvait entre les mesures qu'on employait pour l'eau, mais
que c'était le diamètre qu’on divisait en plusieurs doigts et non la circonférence. On ajoute
qu'Agrippa, et suivant d'autres Vitruve, introduisit l'usage de mesurer l'eau d'après un certain
module appelé quinarius. Ceux qui en attribuent l'invention à Agrippa disent qu'on appelle ce
module quinarius parce qu'il était divisé en cinq modules très-petits qui n'étaient pas plus gros
qu'un tuyau de plume ; que c'était d'après ce petit module qu'on distribnait l'eau à Rome lors¬
qu'elle y était encore rare, avant qu'on y eût introduit les fontaines dont nous avons parlé¬
Ceux, au contraire, qui font Vitruve auteur de cette espèce de mesure, disent qu'on l'appelait
ainsi parce qu'il contenait la largeur de cinq doigts, qui était celle que Vitruve assigne à la plus
petite des lames de plomb dont on devait former les tuyaux. D'après cette dernière réflexion
Galiani est porté à croire que c'est plutôt Vitruve qu'Agrippa qui a introduit l'usage du module
nommé quinarius.
Un des grands avantages qu’offrent les tuyaux pour la conduite des eaux, c'est qu'y étant en¬
fermées on peut les faire descendre dans le fond des vallées et ensuite remonter sur la côte op-