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ceptes de cet excellent auteur, que les critiques mettent au premier rang des
grands esprits de l'antiquité, étaient absolument nécessaires pour conduire ceux
qui désirent de se perfectionner dans cet art, en établissant, par la grande
autorité que ses écrits ont toujours eu, les véritables règles du beau et du par¬
fait dans les édifices; car la beauté n'ayant guère d'autre fondement que la
fantaisie, qui fait que les choses plaisent selon qu'elles sont conformes à l'idée
PRÉFACE
que chacun a de leur perfection, on a besoin de règles qui forment et qui recti¬
fient cette idée; et il est certain que ces règles sont tellement nécessaires en
toutes choses, que si la nature les refuse à quelques-unes, ainsi qu'elle a fait,
au langage, aux caractères de l'écriture, aux habits et à tout ce qui dépend
du hasard, de la volonté et de l'accoutumance, il faut que l'institution des
hommes en fournisse, et que pour cela on convienne d'une certaine autorité qui
tienne lieu de raison positive.
Or, la grande autorité de Vitruve n'est pas seulement fondée sur la véné¬
ration que l'’on a pour l’antiquité, ni sur toutes les autres raisons qui portent
à estimer les choses par prévention. Il est vrai que la qualité d'architecte de
Jules César et d'Auguste, et la réputation du siècle où il vivait, où l'on croit
que tout s'est trouvé dans la dernière perfection, doivent beaucoup faire pré¬
sumer du mérite de son ouvrage; mais il faut avouer que la grande suffisance
avec laquelle cet excellent homme traite une infinité de choses différentes, et le
soin judicieux qu’il a employé à les choisir et à les recueillir d'un grand nombre
d'auteurs dont les écrits sont perdus, font, avec beaucoup de raison, regarder ce
livre par les doctes comme une pièce singulière et comme un trésor inestimable,
Mais, par malheur, ce trésor a toujours été caché sous une si grande obscu¬
rité de langage, et la dissiculté des matières que ce livre traite l'a rendu si impé¬
nétrable, que plusieurs l'ont jugé tout-à-fait inutile aux architectes. En effet, la
plupart des choses qu’il contient étant aussi peu entendues qu'elles le sont, avaient
besoin d’'une explication plus claire et plus exacte que n'est le texte qui nous
reste ; car l'auteur ne s'est pas tant efforcé de le rendre clair que succinct, dans
la confiance où il était que les figures qu'il y avait ajoutées expliqueraient assez